Face aux crises énergétiques et géopolitiques, l’industrie wallonne est à la croisée des chemins. Anthony Van Putte, CEO du Pôle MecaTech, livre sa vision d’une Wallonie qui doit miser sur l’innovation collaborative, le numérique et l’économie circulaire pour reconquérir sa souveraineté industrielle.
Pour Anthony Van Putte, le diagnostic est clair : l’avenir industriel de la région repose sur trois piliers fondamentaux. Le premier est inévitablement la transition énergétique. « Il s’agit de développer de nouvelles technologies pour faciliter la transition de notre industrie, que ce soit via l’électrification, la capture du CO2 ou l’amélioration de l’efficience des processus. »
Le deuxième défi touche à l’autonomie stratégique, en l’occurrence la maîtrise des ressources. « Dans un contexte de raréfaction, l’économie circulaire devient une nécessité absolue. L’objectif est de concevoir des produits minimisant l’usage de matériaux critiques et, surtout, de maintenir ces matériaux au sein de nos écosystèmes via le recyclage. » Enfin, le numérique s’impose comme le catalyseur de la réindustrialisation : « L’automatisation et la gestion des données permettent aujourd’hui de rapatrier des productions. »
L’art de décloisonner les secteurs
Pour relever ces défis, le Pôle MecaTech agit comme un véritable architecte de l’innovation. « Notre cœur de métier, c’est de connecter des entreprises qui ne se seraient peut-être jamais rencontrées », précise le CEO. « L’enjeu est de créer des consortiums robustes mêlant PME, grandes entreprises, centres de recherche et universités. »
Cette approche transversale porte ses fruits, notamment en analysant des chaînes de valeur complètes plutôt que des acteurs isolés. « C’est cette méthode qui a permis à IBA, leader mondial de la protonthérapie, de franchir un cap technologique avec le projet WIN-GTR. En connectant ce groupe avec des experts du spatial et de la mécanique, le pôle a contribué à la conception d’un système de traitement beaucoup plus compact, ouvrant l’accès à de nouveaux marchés. »
D’autres exemples illustrent cette dynamique : « Grâce à des technologies de réalité virtuelle, John Cockerill Defense a développé des systèmes d’aide à la décision pour les véhicules blindés dans le cadre du projet OPTIMIS. Dans le domaine de l’économie circulaire, Comet Traitements atteint désormais des taux de recyclage de 97 % sur les résidus de broyage automobile et se positionne stratégiquement sur le marché des batteries de véhicules électriques. »
L’Europe comme accélérateur
Si l’ancrage est wallon, l’horizon est européen. MecaTech aligne sa stratégie sur les grandes directives de l’Union européenne : le Net Zero Industry, le Critical Raw Materials Act et la défense. « Le pôle accompagne ses membres pour capter les financements européens, souvent complexes à obtenir », complète Anthony Van Putte.
C’est là une stratégie payante, illustrée par le Parcours Europe+ mis en place par le pôle. « Sur la thématique des batteries par exemple, MecaTech a identifié une quinzaine d’acteurs wallons légitimes et a construit avec eux une feuille de route sur mesure. » Résultat : en moins de deux ans, 23 projets ont été déposés avec un taux de succès de 20 %, soit le double de la moyenne habituelle. Le pôle gère également des fonds délégués par l’Europe (cascade funding) pour financer directement de petits projets collaboratifs de PME, véritable pied à l’étrier vers l’international.
En guise de conclusion, Anthony Van Putte lance un appel aux décideurs et investisseurs : « La Wallonie dispose d’un tissu dense de PME technologiques, qui constituent plus de 80 % de nos membres. Toutefois, l’innovation ne suffit plus. Notre compétence technologique, il faut la transformer en capacité de production. Nous devons nous concentrer sur la réindustrialisation et assurer notre autonomie. La technologie doit sortir des laboratoires pour s’ancrer dans les usines wallonnes. »