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Pouvoir de la Wallonie

Alliance Cleantech Wallonia : l’union pour une réindustrialisation durable

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Face à l’urgence climatique et aux défis de compétitivité, la Wallonie change de braquet. Deux écosystèmes majeurs – Heart for Cleantech à Mons et à La Louvière, District Cleantech à Charleroi – unissent leurs forces pour bâtir l’Alliance Cleantech Wallonia. Cette alliance et cette dynamique pourraient par la suite s’étendre jusqu’à Tournai, avec le projet MC², et à Liège, où des projets sont en cours de développement.

Vincent Michel

Président du Forum for Cleantech

Marc Van Den Neste

Ecosystem Builder pour le District Cleantech

Objectif ? Dépasser les logiques sous-régionales pour faire de la Wallonie un territoire d’excellence industrielle, capable de transformer l’innovation en usines et emplois durables.

C’est un changement de paradigme pour l’économie wallonne. Longtemps, la réduction des émissions de CO2 dans la région a été le résultat mécanique – souvent douloureux – de la fermeture d’usines. Aujourd’hui, la logique s’inverse : pour maintenir une activité industrielle forte et garantir notre prospérité, la transition n’est plus une option ; elle est une condition de survie. C’est autour de ce constat que se construit une alliance inédite entre les hubs Heart for Cleantech et le District Cleantech.

Les cleantech englobent toutes les technologies ayant un effet positif sur la planète.

Marc Van Den Neste, Ecosystem Builder pour le District Cleantech, et Vincent Michel, Président du Forum for Cleantech, dévoilent les coulisses de cette stratégie commune. Leur mission : connecter chercheurs, industriels et investisseurs pour propulser la Wallonie au rang de leader européen des technologies propres.

Au-delà de l’énergie verte, une transformation industrielle profonde

Le terme « cleantech » est souvent galvaudé. Pour les acteurs de terrain, lorsqu’on parle de technologies propres, il ne s’agit pas uniquement d’éoliennes ou de panneaux solaires, mais d’une refonte complète de la manière de produire. « Les cleantech englobent toutes les technologies ayant un effet positif sur la planète », précise Marc Van Den Neste. « Cela inclut la production d’énergie verte bien sûr, mais aussi l’amélioration des procédés existants. Même si une technologie utilise encore du carbone, mais qu’elle permet de diminuer drastiquement la consommation d’un moteur ou d’une usine, c’est une cleantech. Le spectre est large : énergie, circularité, hydrogène, nouvelles molécules, etc. »

Vincent Michel complète le propos par une vision systémique : « C’est la performance énergétique, la circularité des matériaux et, ultimement, le traitement du carbone. L’objectif est la neutralité carbone, tout en conservant notre tissu industriel. » Car l’enjeu est là : la Wallonie abrite des industries lourdes – ciment, acier, verre, chimie – dites « hard-to-abate » – difficiles à décarboner. L’ambition de l’Alliance Cleantech Wallonia n’est pas de les remplacer par du tertiaire, mais bien de leur fournir les briques technologiques pour opérer leur mue.

L’écosystème : s’inspirer du vivant pour innover

Pour réussir cette mutation, les méthodes traditionnelles ne suffisent plus. Les défis technologiques sont trop complexes et les évolutions trop rapides pour qu’une entreprise puisse s’en sortir seule dans son coin. C’est ici qu’intervient la notion d’écosystème, directement inspirée de la méthodologie du Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui a fait ses preuves notamment pour les biotechs wallonnes.

« Le mot écosystème a été ‘volé’ à la nature… et c’est une excellente analogie », sourit Marc Van Den Neste. « Dans la nature, des espèces différentes vivent ensemble, se complètent et partagent des ressources vitales comme la terre ou l’eau. Dans un écosystème économique, il en est de même : nous réunissons les cinq piliers du modèle MIT – entreprises, universités, investisseurs, pouvoirs publics et entrepreneurs – pour partager des infrastructures et des connaissances. »

Cette approche collaborative permet de briser les silos. Les start-ups apportent l’agilité et les idées de rupture, tandis que les grandes industries offrent la puissance de frappe et les terrains d’expérimentation. « Les écosystèmes permettent de mettre ensemble les forces intellectuelles et les capacités industrielles », ajoute Vincent Michel. « Cela facilite le lancement de projets pilotes et une montée bien plus rapide en maturité technologique. »

Franchir la Vallée de la Mort de l’innovation

Si la Wallonie excelle en recherche et développement, elle pèche encore souvent au moment de transformer l’essai. C’est le fameux syndrome de la « Vallée de la Mort », cette zone critique entre la réussite d’un test en laboratoire et la mise sur le marché d’un produit industriel viable. Dans les cleantech, cette vallée est d’autant plus redoutable qu’elle nécessite des investissements colossaux (CAPEX) pour des outils de test grandeur nature.

C’est précisément là que l’Alliance Cleantech apporte une valeur ajoutée décisive : « La mutualisation des infrastructures d’upscaling est une nécessité absolue », insiste Marc Van Den Neste. « Le District Cleantech développe ainsi quatre plateformes stratégiques à Charleroi. Parmi elles, figure une ligne de préfabrication moderne pour la rénovation énergétique des bâtiments, développée avec Buildwise et Siris. Une telle ligne coûte très cher. Les entreprises de construction pourront venir y tester leur production sur une première commande, sans devoir investir immédiatement dans leur propre usine, tout en faisant de l’innovation. »

Dans le cœur du Hainaut, il est question de déployer un « Impact Factory » pour rapprocher acteurs de l’innovation et entreprises en vue de booster l’entrepreneuriat à impact. L’Impact Factory s’envisage comme un outil qui consiste en un « studio » voué à faciliter et accélérer la transformation des idées innovantes émergeant des laboratoires de recherche en startups au service de la société.

Des spécificités locales au service d’une ambition globale

Loin de se faire concurrence, les deux pôles de l’Alliance cultivent néanmoins leurs spécificités pour offrir une palette complète de solutions. Cette complémentarité est le socle de leur union et, dans cette lignée, la dynamique restera ainsi ouverte à tout autre hub cleantech qui se développe. 

À Charleroi, le District Cleantech se concentre sur la régénération des friches industrielles (Brownfield Regeneration), l’hydrogène, le CCU (capture et utilisation du carbone), la rénovation énergétique et l’agriculture urbaine. Un projet titanesque vise à réhabiliter, un ancien site sidérurgique emblématique de 40 hectares de terrains et 20.000 m² de bâtiments sur la Porte Ouest, transformant un héritage industriel lourd en terreau fertile pour l’avenir.

De son côté, Heart for Cleantech, en Cœur du Hainaut, capitalise sur ses acteurs locaux dynamiques dans les domaines de la donnée, de l’énergie et de la circularité des matériaux. « Nous analysons les particularités locales pour définir les axes de travail les plus pertinents », précise Vincent Michel. « Notre vision est de ne pas faire du sous-régionalisme, mais de créer un véritable ‘Cleantech Wallonia’. Nous travaillons main dans la main pour profiter de celui qui est le plus avancé sur un sujet afin d’accélérer les sujets des autres acteurs locaux. Cette mutualisation de nos efforts permet de créer de la richesse à l’échelle de toute la Wallonie. »

Vers une économie décarbonée et compétitive

En bout de course, cette alliance vise des objectifs concrets : la décarbonation bien entendu, mais aussi la réindustrialisation et l’emploi. « Les industriels sont prêts ; les gros émetteurs de CO2 investissent aujourd’hui dans ces équipements », note Marc Van Den Neste, citant les projets de capture de carbone ou les réseaux de transport via Fluxys. « Mais pour que ces projets perdurent, le modèle économique doit suivre », ajoute-t-il, plaidant pour un soutien ciblé sur les coûts opérationnels (OPEX) des technologies propres, afin de les rendre compétitives face aux énergies fossiles, encore bon marché.

L’impact attendu est mesurable : des centaines d’hectares de friches dépolluées, des usines de ciment ou d’acier atteignant le zéro carbone, et l’éclosion de start-ups devenant les licornes de demain. « Le leitmotiv, c’est créer des emplois à impact et à externalités positives sur les plans social, économique et environnemental », conclut Vincent Michel. « Pas des emplois basiques et délocalisables, mais des emplois à haute valeur ajoutée, ancrés dans nos régions grâce à nos compétences. »

Avec l’Alliance Cleantech Wallonia, la région ne se contente plus de subir la transition. Elle s’organise, se structure et se donne les moyens de devenir l’un des moteurs européens de l’industrie durable. Une union sacrée pour que le passé industriel de la Wallonie serve de tremplin à son avenir.

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