Les attentes des consommateurs évoluent sans cesse. Elles ne se limitent plus simplement à des considérations de prix et de disponibilité. Pour David Vandenbrande, CEO de Carré Associates, le secteur de la distribution doit adopter une démarche qui dépasse la simple RSE, entendez « responsabilité sociétale de l’entreprise ».
Texte : Philippe Van Lil – Photo : Kris Van Exel
Quelles tendances identifiez-vous dans le secteur de la distribution ?
« La première, c’est ce que nous appelons dans notre jargon le ‘blurring’, soit le mélange des différents business du retail mais aussi différents business models. On voit aujourd’hui une fusion entre le FMCG classique (Fast Moving Consumer Goods) et l’horeca ou la santé. »
« Ce phénomène, qui correspond aux nouveaux modes de consommation, ira encore en s’accélérant à l’avenir. Soucieux de rentabiliser chaque partie de leur business, les hypermarchés organiseront par exemple toutes les parties de leurs productions et services afin de travailler aussi bien en B2C qu’en B2B. »
« On pourrait ainsi imaginer que les ateliers de boulangerie des hypermarchés vendent, en B2B, une partie de leur production à des restaurateurs, voire à d’autres magasins, en ce compris la concurrence. A contrario, d’autres pourraient choisir la voie de la sous-traitance. »
Quel impact la digitalisation des achats exerce-t-elle ?
« Elle va se poursuivre jusqu’à mener à une automatisation pure et simple des achats à valeur ajoutée faible. De plus en plus d’algorithmes compréhensibles par tous sont disponibles. Il deviendra ainsi relativement facile pour un consommateur de les utiliser pour ses achats, un peu à la manière d’un trader, en configurant un assistant pour acheter les produits au meilleur moment, là où le prix est le meilleur et en fonction de ses besoins réels. Les évolutions technologiques en matière de paiement faciliteront grandement cet aspect, en ce compris les transactions M2M (machine-to-machine) sans intervention humaine jusqu’à un certain montant. »
Comment le retail intègre-t-il la dimension RSE ?
« Les entreprises actives dans le secteur tentent de limiter leur impact négatif par des mesures comme la réduction des déchets, le recyclage, des engagements socio-économiques ou en faveur de l’environnement. On voit même aujourd’hui émerger des entreprises désireuses d’être les acteurs d’une transformation positive pour la planète, que ce soit sur le plan social ou environnemental. »
L’entreprise va devenir indissociable de sa marque, de ses produits, de ses services : les consommateurs recherchent une transparence totale.
« C’est en quelque sorte de la ‘RSE bodybuildée’. Si ces entreprises sont encore peu nombreuses aujourd’hui, elles n’en constituent pas moins des exemples de bonnes pratiques, voire des groupes de pression tant elles s’engagent pour faire avancer les causes qui leur tiennent à cœur. »
Les consommateurs ont-ils d’autres attentes ?
« Ils ont énormément besoin de positif et d’une transparence totale à cet égard. L’entreprise va devenir indissociable de sa marque, de ses produits, de ses services. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la manière dont l’entreprise traite ses employés ou gère ses surfaces de bureau. Ce besoin de transparence totale signifie qu’on ne peut pas se contenter de saupoudrer un peu de RSE pour redorer son blason. »
« Dans le même temps, la compréhension du terme ‘profit’ évolue. Il ne se limite plus aux profits des actionnaires, mais bien aux profits pour tous. Et je relie cela à l’impact positif des entreprises : le profit devient positif pour la planète, les gens, les animaux, l’environnement. C’est une métamorphose sociétale qui s’installe, un processus générationnel. Demain, il deviendra difficile pour une entreprise cotée en bourse d’avoir, d’un côté, un discours axé sur les actionnaires et, de l’autre, des consommateurs désirant une transformation bénéfique pour tout le monde. »
Quel conseil adressez-vous aux retailers et aux consommateurs ?
« Pour les retailers, c’est de faire les choses à fond ! Conscients de tout ce processus, la plupart souhaitent s’inscrire dans cette démarche. Mais, aujourd’hui, il persiste clairement de la frilosité. L’époque n’est pas nécessairement la plus facile : le gâteau n’a pas tellement grandi et il faut malgré tout le partager avec de nouveaux acteurs comme ceux de l’e-commerce. »
« Néanmoins, si une entreprise ne bouge pas, elle risque de ne plus être considérée comme pertinente par ses clients d’ici peu. Un autre élément à considérer est le côté un peu ‘bipolaire’ des consommateurs. D’un côté, ils veulent plus de respect pour l’environnement et les gens ; de l’autre, ils ne traduisent pas toujours cela dans leurs actes d’achat. »
« Que ce soit pour un consommateur ou une entreprise, il n’est pas toujours facile de changer l’ensemble de ses comportements du jour au lendemain. Mais les signaux sont clairs… et ce sont ceux-là qu’il faut écouter ! »