Wily Borsus est ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Agriculture et de l’Aménagement du territoire. Lorsqu’on parle de ce dernier portefeuille, force est de constater que les enjeux des nombreuses casquettes de celui qui est aussi vice-président de la Wallonie s’entrecroisent.
Texte: Philippe Van Lil
Quelle est votre approche de l’aménagement du territoire ?
« Dans la déclaration de politique régionale wallonne, le gouvernement l’a déclaré comme l’une de nos priorités. La gestion du territoire est au croisement de nombreux défis : rencontrer les besoins de la société et des citoyens ; articuler le futur du développement économique ; répondre aux enjeux climatiques, environnementaux ou de biodiversité. »
Comment cela se traduit-il ?
« D’abord en économisant l’espace ! Aujourd’hui, on ‘consomme’ par an quelque 11,3 km² supplémentaires de terrains qui, jusqu’alors, n’étaient pas artificialisés. Autrement dit, ils n’étaient pas bâtis ou n’accueillaient pas d’infrastructures telles que des voiries ou des parkings. Il s’agit à présent de fixer une trajectoire réaliste de diminution de l’artificialisation d’ici à 2025. Ensuite, en raison de notre passé industriel, on doit pouvoir gérer les stigmates du passé au niveau des sols et sous-sols. »
À cet égard, quelle est la situation actuelle ?
« Aujourd’hui, on recense quelque 5 600 sites pollués à des stades divers ; ils représentent plus de 22 000 hectares, soit 1,3 % du territoire wallon. Les réhabiliter en leur redonnant une destination économique, de logement, de services ou de zones naturelles est un chantier essentiel. »
« Actuellement, on assainit à peine quelques dizaines d’hectares par an. À ce rythme-là, on en a pour… plusieurs siècles ! Il faut donc accélérer le rythme, ce qui fait l’objet d’un vaste programme que nous préparons en ce moment avec des partenaires privés. »
Pour économiser l’espace, les centres urbains et ruraux doivent aussi être repensés…
« Leur attractivité est en effet également l’une de nos priorités. Cela passe bien sûr par des investissements en équipements – accessibilité, transports en commun, intermodalité, etc. – mais aussi par un travail d’urbanisme et d’aménagement du territoire. L’un des outils récemment développés à cette fin, ce sont les ‘zones d’enjeu communal’. Ce mécanisme permet de repenser complètement un cœur de ville ou un quartier d’une certaine dimension, en reconsidérant les cadres planologiques et autres dispositions réglementaires. »
« Il s’agit ici de réinventer un territoire, de le reconstruire, de le requalifier partiellement. Actuellement, seul un dossier significatif est en cours, celui de Coronmeuse à Liège. Notre objectif est que cet outil soit utilisé de manière ambitieuse par les pouvoirs locaux et que nous ayons une vingtaine de projets dès l’an prochain. »
Le réaménagement urbain donne-t-il aussi la priorité à la rénovation du logement ?
« Tout à fait ! Des investissements doivent y être consacrés. L’isolation des logements est en chantier très important. Il comprend un volet d’actualisation des primes régionales relatives aux économies d’énergie et à l’aménagement du logement et un volet de mobilisation des moyens, via un mécanisme de tiers investisseurs, afin d’isoler les bâtiments. Un aspect pour augmenter l’attrait des centres urbains, c’est le commerce. »
« D’ici à la fin juin, nous déposerons sur la table du gouvernement un projet nommé ‘Plan Horizon Proximité’. Son but de répondre à la diminution régulière et significative du nombre de commerces de proximité, qui a entre autres pour effet d’alimenter la perte de vie, d’affaiblir l’animation des cœurs des quartiers. »
Quelle est l’ampleur du phénomène ?
« En 2019, la Wallonie comptait 7 123 cellules commerciales vides, soit 12,3 % des surfaces commerciales. Relancer le commerce de proximité passe notamment par le volet numérique. Il permet entre autres de visualiser des éléments que l’on pourra voir dans le commerce physique. Ce soutien au digital est d’autant plus crucial que la concurrence de l’e-commerce à nos frontières est très forte et que près de la moitié des consommateurs belges vivent à moins de 40 kilomètres d’une frontière. »
Le numérique touche aussi d’autres aspects de l’aménagement du territoire…
« Bien sûr ! La transformation numérique des entreprises est centrale, avec tout ce que permettent la robotique, l’intelligence artificielle et l’automatisation en termes de process de fabrication, de fonctionnement et d’organisation. Parler de ‘nouvelle révolution industrielle’ ne me paraît pas exagéré. »
« Dans le cadre de l’aménagement du territoire, l’approche Smart Cities dessinera un nouveau modèle d’organisation et de gouvernance des entités locales. Au départ de ce que permettent dorénavant la maîtrise et la gestion des données, on va pouvoir renforcer la cohérence et l’organisation des projets, de l’espace, de la mobilité, des services, etc. »