Nous ne sommes plus en 2008-2009 ! Les banques ne sont pas à l’origine de la crise économique actuelle. Elles sont au contraire des alliés pour aider les entreprises, les particuliers et les pouvoirs publics. Tel est en substance le message que fait passer Karel Baert, CEO de Febelfin.
Texte : Philippe Van Lil
Quel impact a la crise sanitaire sur le secteur de la finance ?
« Durant la crise, au sein des entreprises, les revenus se sont arrêtés mais les coûts sont restés. Malgré tout, les banques ont continué à remplir leur rôle central de financement de l’économie ; beaucoup d’aide a été apportée, tant aux particuliers qu’aux entreprises. Au niveau des celles-ci, des mesures ont été prises par les banques, entre autres, en termes de moratoires sur les remboursements de crédits. Dans le même temps, les banques sont confrontées à des risques plus élevés. Afin de se préparer à des pertes éventuelles de crédits, elles ont prévu des provisions très importantes pour l’avenir. Même si les bilans des banques sont assez solides pour absorber ces pertes éventuelles, cela aura évidemment un impact sur leur compte de résultat. »
Le confinement a-t-il changé le type de relation avec la clientèle ?
« Il est certain que la crise a aussi accéléré la digitalisation des services bancaires et les paiements digitaux. D’ailleurs, de plus en plus de clients considèrent les banques comme un partenaire digital à part entière. Ceci ne signifie pas que le réseau physique cessera d’exister mais bien que les habitudes des clients seront d’avantage tournées vers le digital. »
Les banques ont tiré des leçons de la crise finacière de 2008-2009 et sont bien mieux armées pour faire face à la situation actuelle.
Les banques ont-elles retenu les leçons de la crise financière de 2008-2009 ?
« Je suis convaincu que oui. Le secteur s’est profondément réformé après cette crise. Les bilans des banques sont devenus plus petits, plus solides, plus liquides, avec des coussins de fonds propres bien plus importants qu’en 2008. Elles sont en conséquence mieux armées pour faire face à la crise actuelle. L’aspect de la supervision a également grandement évolué. Au niveau belge et européen, les superviseurs procèdent à des ‘stress tests’ réguliers afin de vérifier si les banques peuvent résister aux scénarios les plus négatifs. Ainsi, au niveau européen, la mise en place, après 2008, du Single Supervisory Mechanism, au sein de la BCE, permet une action coordonnée sur l’ensemble du continent. Il faut également insister sur le fait que contrairement à 2008-2009, la crise actuelle ne trouve pas son origine dans les banques ! »
Les banques continuent-elles à soutenir autant financièrement les entreprises ?
« Certainement. Outre les moratoires, il faut souligner que jusqu’à présent, les volumes de crédits sont en croissance par rapport à l’année passée. Cela concerne tous les crédits, y compris ceux garantis par l’État. Il est toutefois clair que les demandes de nouveaux crédits diminueront en raison de la crise et que les banques ne pourront pas répondre à toutes les demandes. Mais je souhaite insister sur le fait que durant cette crise, les banques prennent leurs responsabilités… et des risques non négligeables ! »
Quels conseils donner aux entreprises aujourd’hui afin d’optimiser leur business ?
Beaucoup d’entre elles avaient déjà pris leurs précautions, même avant la crise, notamment par des politiques d’innovation et de diminutions des coûts. Il faut à présent tenir compte des éléments liés à notre économie et aux marchés financiers. Tout d’abord, la politique monétaire actuelle fait que l’inflation est toujours très basse et que les taux d’intérêt le resteront aussi. Ensuite, il faut souligner que la crise de la Covid-19 est très asymétrique : certaines entreprises s’en sortent très bien, tandis que d’autres souffrent énormément. Les banques poursuivront leurs efforts pour que celles qui étaient en bonne santé avant la crise ne tombent pas dans des problèmes structurels. Les banques restent toujours prêtes à dialoguer afin d’aider les entreprises et demandent à tous ceux qui risquent de connaître des difficultés financières de s’adresser à leur banquier. Cela ne peut toutefois se faire qu’au cas par cas »
Vous semblez optimiste…
« Récemment, le Bureau fédéral du Plan est devenu en effet un peu plus optimiste en ce qui concerne le PIB pour cette année. Cela montre que notre économie et nos entreprises sont plus résilientes que prévu. Mais il faut être très prudent car il reste beaucoup d’incertitudes à prendre en considération avant de se lancer dans des risques financiers : les contaminations qui repartent à la hausse, les incertitudes sur le marché liées au Brexit ou aux élections américaines, etc. Il faut aussi le plus rapidement possible un gouvernement fédéral à même de travailler à une politique de redressement économique efficace et à une diminution du déficit budgétaire. Ici aussi, les banques peuvent être des alliés de poids. »
La prudence s’impose-t-elle aussi en matière de gestion de patrimoine ?
« Si l’on veut investir, il faut effectivement diversifier son portefeuille le plus possible. Ceci est encore plus valable que jamais en ces temps incertains. Il ne faut cependant pas céder à la panique. »