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Addiction aux jeux en ligne : l’approche innovante d’une société liégeoise

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Depuis son entrée dans le monde du digital, l’industrie des jeux de hasard connaît une révolution de son mode de consommation. Comme le souligne Emmanuel Mewissen, CEO de Gaming1, la transformation digitale modifie la donne en matière de comportements de type addictif. Bonne nouvelle : des solutions se dessinent.

La législation belge est-elle adaptée à votre secteur d’activité ?
Emmanuel Mewissen.

Emmanuel Mewissen : « Notre pays a été le premier au monde à mettre en place un système de listes de joueurs interdits à titre préventif, soit en cas de médiation de dettes, soit sur décision de justice ou à leur propre demande. Aujourd’hui, certains souhaitent aller plus loin. Cependant, la véritable révolution du digital est d’avoir fait disparaître les frontières. Or, certains États continuent à réguler comme si elles étaient encore étanches. La Belgique veut atténuer l’attractivité des sites en ligne en supprimant la publicité et toute forme de bonus commercial du type ‘payez 10 € et recevez-en l’équivalent en cadeaux’. »

Ces dernières mesures sont-elles efficaces ?

E. M. : « Non car tout le monde peut très facilement jouer sur des sites étrangers. Ces mesures diminuent la compétitivité des sites belges en ligne et provoquent cet exode vers des sites qui ne protègent pas les joueurs d’addictions éventuelles. Pour notre part, nous entendons contribuer à la protection des joueurs mais cela doit se faire par l’établissement progressif de règles en concertation avec le secteur. Il est facile de comprendre que seul le secteur légal belge protègera les joueurs. »

Cette législation ne semble pourtant pas impacter votre croissance, qui est en forte hausse…

E. M. : « C’est vrai, mais il faut souligner que cette croissance se fait principalement au travers de nos activités à l’international dans des pays régulés qui s’inspirent du modèle belge. Elle est due aussi en grande partie au fait que nous avons développé un modèle de jeux responsable qui répond aux défis et dangers du digital. C’est la raison pour laquelle une importante société américaine, Delaware North, nous a choisi comme partenaire. Au cœur de ce modèle, on trouve les notions de loisir et de plaisir. Si le plaisir d’une personne est tourné vers le jeu de hasard ou le pari sportif, cela ne pose aucune difficulté. En revanche, si le plaisir fait place à la souffrance, il faut pouvoir aider le joueur. »

Comment ?

E. M. : « En l’alertant et l’éduquant afin de le ramener vers un comportement plus responsable. Nous le faisons déjà en formant le personnel de nos casinos terrestres. Pour le digital, nous avons développé un outil qui attribue au joueur un score et un profil sur sa manière de consommer le jeu. Quand notre département d’analyse des données constate qu’un joueur passe dans une catégorie dite à risque, il le signale au département ‘jeu responsable’ qui met en place des actions préventives. Cet outil d’intelligence artificielle sera en constante évolution grâce, entre autres, à notre collaboration avec la recherche universitaire spécialisée dans l’addiction. »

Nous avons développé un outil d’intelligence artificielle qui attribue au joueur un score et un profil sur sa manière de consommer le jeu.

Et si le comportement déviant persiste ?

E. M. : « Dans ce cas, on entre en contact avec le joueur et on le dirige vers un service d’aide spécialisé. Selon nous, ces moyens sont bien plus efficaces que recourir immédiatement à une interdiction de jeu. Nous préférons nous attaquer à la racine du problème qu’à son symptôme. Le recours à l’interdiction via l’instauration de règles législatives ou de décisions judiciaires ne devrait intervenir que lorsque tous les moyens que nous avons mis en place sont épuisés. »

Comment votre démarche de collecte des données personnelles s’intègre-t-elle dans le respect du GDPR ?

E. M. : « Nous respectons bien évidemment la vie privée des joueurs et toutes les règles en vigueur imposées à notre secteur. À cet égard, nous sommes d’ailleurs suivis par des sociétés spécialisées. Les données des joueurs ayant des comportements problématiques ne sont disponibles que pour les services directement concernés. Pour le reste, nous partageons certaines données avec des universités, qui nous aident par exemple à développer de meilleurs algorithmes pour déceler les comportements déviants. Toutefois, ces données sont entièrement anonymisées. »

Un mot de conclusion ?

E. M. : « Les comportements compulsifs et excessifs ne concernent pas seulement le secteur des jeux de hasard et des paris sportifs. Tout l’univers digital est touché : les jeux vidéo, les sites d’e-commerce, les réseaux sociaux, etc. Les outils mis en place dans notre secteur pourraient servir ailleurs. On pourrait ainsi envoyer des messages préventifs et des alertes aux consommateurs pour éviter qu’ils aillent trop loin et soient en souffrance. Notre solution pourrait un jour se voir appliquer au secteur du gaming (jeux vidéo), qui engendre aujourd’hui un chiffre d’affaires supérieur au secteur du film et de la musique. »

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