Le Building Information Modeling / Management (BIM) offre de vastes perspectives pour le secteur du bâtiment et de l’immobilier. Il en existe déjà de nombreuses illustrations. Toutefois, comme le déplorent Vincent Legros, Managing Director de Drees & Sommer, et Sonia Ben Ahmed, Head of BIM Belgium, cette nouvelle méthode de gestion de projets a du mal à se déployer correctement dans notre pays.
Que recouvre la notion de BIM ?
Sonia Ben Ahmed : « Il s’agit d’un processus de management qui permet à l’ensemble des acteurs de la construction de collaborer par l’exploitation d’informations numériques fiables et coordonnées détenues dans une maquette 3D du projet. Cette méthodologie de travail, qui repose principalement sur la maquette numérique, permet de coordonner et gérer l’ensemble des interventions tout au long des différentes phases de la vie d’un bâtiment. On coordonne ainsi l’ensemble des intervenants, qui peuvent partager toutes leurs informations entre eux : les architectes responsables de la conception du bâtiment, les ingénieurs en charge des questions de stabilité ou ceux qui s’occupent des techniques spéciales comme l’électricité, la ventilation et la plomberie, etc. »
Quels en sont les avantages majeurs ?
S. B. A. : « Par rapport à des habitudes de travail traditionnelles utilisant les outils de conception 2D, le BIM et la réalisation d’une maquette 3D contiennent un grand nombre d’informations numériques. Celles-ci pourront être exploitées pour coordonner l’ensemble des interventions, ce qui présente beaucoup d’avantages. Le BIM permet de construire de manière virtuelle le projet et d’anticiper les sujets qui pourraient advenir avant de passer à sa construction réelle ! L’approche de la représentation 3D permet également d’appréhender et de comprendre de manière plus intuitive le projet et ainsi faciliter la communication des intervenants grâce à des outils de management visuels. Cette méthodologie impacte favorablement la façon de travailler des acteurs de la construction et permet d’anticiper les problèmes avant de passer à l’exécution des travaux. Tout ce travail de préparation et de coordination permet principalement d’améliorer la qualité de l’ouvrage exécuté, de réduire les coûts nécessaires à sa construction ainsi que maitriser et diminuer les délais d’achèvement des travaux. »
La maquette virtuelle permet d’éviter les conflits qui se posent souvent entre les différentes disciplines au moment de la réalisation d’un chantier.
Vincent Legros : « Cette maquette virtuelle permet aussi d’éviter les conflits qui se posent souvent entre les différentes disciplines au moment de la réalisation d’un chantier. Dès la conception, nous pouvons détecter les ‘clashs’ éventuels et prendre des mesures pour les éviter. Ceci a un impact positif au niveau financier, mais aussi en termes de durabilité. On évite en effet de devoir recommencer certains travaux et de gaspiller des ressources. Quand on sait que le secteur de la construction est un gros émetteur de CO2, ce n’est pas négligeable. »
Le BIM est-il applicable à tout type de projet ?
V. L. : « Pour le moment, il est surtout mis en application sur des projets de grande ampleur ou compliqués du point de vue technique, notamment pour des hôpitaux ou des hôtels, où la maintenance a une importance capitale. C’est moins courant mais tout aussi intéressant pour des projets résidentiels. À l’heure actuelle, cet outil technologique de management rencontre un grand succès dans le monde anglo-saxon – aux États-Unis et en Grande-Bretagne – ainsi que dans des pays comme la Finlande et la Norvège, où l’utilisation d’outils BIM est une obligation dans le cadre de l’octroi de marchés publics. »
Qu’en est-il en Belgique ?
V. L. : « Les différentes parties prenantes qui détiennent les cordons de la bourse n’ont pas encore suffisamment pris conscience de l’intérêt de cet outil. Ils le voient comme un coût supplémentaire dans un contexte où, il ne faut pas craindre de le dire, les bureaux d’étude s’estiment sous-payés et ne vont pas suffisamment loin dans les détails de conception. Or, en Belgique, il existe peu de chantiers qui n’aboutissent pas à des ‘claims’, entendez des revendications entre des entreprises qui opèrent sur un même chantier et qui se plaignent d’erreurs de conception.
Toute nouvelle technologie rencontre des résistances à ses débuts et le secteur de la construction belge met encore du temps à pleinement adopter celle-ci.
Si, comme le permet le BIM, le design était plus abouti et qu’on pouvait aller plus dans le détail avant le lancement des chantiers, on limiterait ce type de contestation. »
On aboutirait à moins de recours, mais aussi à un gain de temps…
V. L. : « En effet ! Il faut aussi se rendre compte de ce qu’on peut économiser en termes de charges administratives. Lorsque vous devez, par exemple, contrôler un chantier en phase exécution, comme un hôpital de 55.000 m² et consulter tous les responsables de ce chantier pour obtenir l’avancement des travaux par rapport à un planning, vous pouvez y passer une journée. Si vous disposez d’une maquette 3D sur tablette pour visualiser l’avancement des travaux, c’est évidemment beaucoup plus rapide. Aux États-Unis, par exemple, on en arrive à une situation où toutes les informations sont directement introduites dans ce type d’outils ; il n’y a plus d’utilisation de plans papiers 2D. Le BIM et la maquette 3D permettent de simuler des plannings de production grâce à l’intelligence artificielle (BIM 4D) et d’évaluer les coûts de construction des projets (BIM 5D). »
S. B. A. : « Toute nouvelle technologie rencontre des résistances à ses débuts et le secteur de la construction belge met encore du temps à pleinement adopter cette nouvelle méthodologie de gestion de projet. Malgré une réelle volonté de tout le secteur de la construction, la réelle problématique reste que tous les acteurs n’ont pas la même maturité BIM et donc ne maîtrisent pas tous de la même manière les outils et les processus, ce qui est très problématique dans le cadre d’un travail collaboratif. Les architectes sont relativement alertes par rapport au BIM et prêts à entrer dans la démarche, alors que certains bureaux d’études le sont moins. Or, il est impératif de toujours rester proactif et curieux, et de maintenir une veille technologique sur les outils nécessaires au BIM. Car le secteur évolue très vite ! »