La digitalisation modifie en profondeur les métiers de la comptabilité. Toutefois, selon Benoît Broekmans, Expert-comptable, Associé et Administrateur délégué chez Pyxis & Co, si on le souhaite, cela n’affecte en rien la dimension essentiellement humaine du conseil, d’autant plus nécessaire que le domaine se complexifie sans cesse.
Benoît Broekmans
Associé et Administrateur délégué chez Pyxis & Co
Quelle est votre approche en matière fiscale et comptable ?
Benoît Broekmans : « Depuis près de 20 ans, notre fiduciaire compte essentiellement une clientèle de prestataires de services – professions libérales, sociétés de management, consultants -, mais aussi des holdings et des sociétés actives dans l’immobilier. Nos 29 collaborateurs interviennent en matière de comptabilité et de conseils fiscaux et organisationnels. Depuis bien longtemps, le métier d’expert-comptable ne se limite plus à encoder des factures et des extraits de comptes bancaires. Les pièces comptables sont reconnues optiquement, avec un taux de reconnaissance aujourd’hui très élevé ; les flux financiers et autres datas arrivent directement sur nos serveurs. L’ancien ‘encodage’ est préparé par la machine, qui peut remplacer l’aide-comptable ; il est ensuite vérifié par l’expert-comptable, tout en lui laissant du temps pour d’autres missions. La majorité des prestations accomplies aujourd’hui sont des actes techniques : notamment du conseil fiscal, via entre autres des entretiens avec les clients, et l’établissement de tableaux de bord. »
Quelles autres évolutions du métier pointez-vous ?
B. B. : « La législation fiscale et sociale, et les obligations des sociétés au sens le plus large, ne font que se complexifier. La digitalisation permet aussi aux administrations fiscales d’être plus efficaces et de mieux cerner la cohérence des informations transmises. Elle leur permet aussi de multiplier leurs demandes, voire de faire exécuter une partie de leur travail par les experts-comptables eux-mêmes via les différentes plateformes qu’elles ont développées et mises en ligne. Les obligations administratives des experts-comptables, liées entre autres au respect de la loi anti-blanchiment et à notre code de déontologie, nécessitent une maîtrise de ces obligations et une organisation des cabinets toujours plus pointue… et chronophage ! La responsabilité des professionnels du chiffre s’est aussi grandement accrue. Enfin, le volume à traiter par l’expert-comptable s’est aussi multiplié, notamment grâce à la digitalisation. Je ne vois pas comment un expert-comptable peut encore travailler seul aujourd’hui, en maîtrisant seul toute la chaîne. »
Le métier d’expertcomptable ne se limite plus à encoder des factures et des extraits de comptes bancaires.
Quel type de conseil donnez-vous par exemple à vos clients ?
B. B. : « Des conseils fiscaux bien entendu, mais aussi d’organisation comptable ou de mise en place d’outils de reporting afin d’essayer de donner à nos clients la vision nécessaire au développement de leur entreprise et de leur patrimoine. La pression fiscale est telle aujourd’hui, qu’il n’est pas rare de voir des dirigeants d’entreprise prendre des décisions économiquement peu favorables pour ne pas payer d’impôts. On peut les comprendre, mais ne vaut-il pas mieux mettre tout en œuvre pour générer une superbe plus-value, quitte à ce qu’elle soit taxable, que de ne générer aucune plus-value ? Avec trente ans de recul, je constate que l’entrepreneur dont l’unique but était de ne pas payer d’impôts ne s’est souvent pas bien développé. C’est une question de mental, de placer son énergie au bon endroit. Pour ma part, je considère que mon apport principal pour un client est le développement de son patrimoine. Et je vous assure que cet angle d’attaque donne des résultats bien meilleurs que l’évitement de l’impôt à tout prix. »
La digitalisation rime-t-elle avec une baisse des tarifs pour les clients ?
B. B. : « Malheureusement moins que nous ne l’aurions souhaité. D’une part parce que le coût des licences des logiciels que nous utilisons ne fait qu’augmenter ; il représente aujourd’hui notre plus gros centre de coût après les rémunérations. D’autre part parce que nous rencontrons un vrai problème de recrutement. Pour attirer et fidéliser nos collaborateurs, il faut les payer correctement. Et leur proposer un confort de travail et divers avantages qui ont un coût. La rareté fait le prix. C’est la raison pour laquelle je combats les heures prestées inutiles, celles qui n’ont que peu de valeur ajoutée pour les clients. La digitalisation peut nous y aider. »
La pression fiscale est telle aujourd’hui, qu’il n’est pas rare de voir des dirigeants d’entreprise prendre des décisions économiquement peu favorables pour ne pas payer d’impôts.
À quoi attribuez-vous ces problèmes de recrutement ?
B. B. : « Si vous demandez à un enfant ce qu’il veut faire plus tard, il y a peu de chance qu’il vous réponde ‘Je voudrais être comptable’. Il sera docteur, policier ou astronaute. Pourtant, dans quel métier pouvez-vous rencontrer, conseiller et participer à la réussite d’autant d’entrepreneurs qu’en fiduciaire ? À entendre certains médias, notre métier est dans le top 10 des métiers en voie de disparition. L’image d’un personnage taciturne et peu affable qui passe ses journées à ‘encoder’ des factures nous colle à la peau. Ce comptable-là est mort ! Notre métier évolue : nous devenons plus que jamais des conseillers, pour lesquels le contact humain doit être valorisé. De plus, il devient un métier à très haute technicité où, bien plus que d’autres, nous pouvons surfer sur les nouvelles technologies ; la reconnaissance optique de caractères ou OCR, le web et l’intelligence artificielle sont nos alliés. »