La finance comportementale rapporte la connaissance du fonctionnement de l’être humain à des modèles de l’économie classique et des théories de l’investissement. Cette ‘psychologie de l’investissement’ montre clairement le décalage qui existe entre le fonctionnement du cerveau humain et celui des marchés financiers. Entretien avec Bart Abeloos, Chief Economist chez Crelan.
Bart Abeloos
Chief Economist chez Crelan
Selon Bart Abeloos, « le fonctionnement de notre cerveau est le résultat d’une longue histoire évolutive ». « Nous avons développé de nombreux mécanismes et raccourcis qui poursuivent un but très primaire : la minimisation des efforts qui mènent à une prise de décision, et donc, la survie. Pensez à la manière dont vous réagissez à cette simple question : ai-je encore le temps de traverser la rue rapidement alors que le feu vient de passer au rouge ? Ce mécanisme de prise de décision très instinctif prend souvent le dessus, même lorsque nous sommes confrontés à des questions ‘modernes’ ayant des conséquences majeures à long terme. En fait, l’importance de l’argent a un impact négatif sur la qualité de nos décisions. Des études ont constaté que les décisions liées à l’argent provoquent une augmentation de l’activité dans le noyau accumbens, une région du cerveau active dans le désir, la passion, la satisfaction, l’engouement et l’addiction, entre autres. »
Selon Bart Abeloos, cinq mécanismes compliquent nos décisions d’investissement :
1. Le biais de confirmation
« Nous recherchons toujours des informations qui confirment plutôt qu’elles n’infirment notre opinion. Nous écoutons les personnes avec lesquelles nous sommes d’accord, nous efforçons de nier les éléments qui nous donnent tort ou nous mettons en colère contre la personne à l’origine des information qui nous contrarient. »
2. L’instinct grégaire
« L’humain est préprogrammé pour suivre le troupeau. Nous nous sentons donc à l’aise dans le consensus. Toutefois, dans le domaine de l’investissement, il s’avère souvent payant d’aller à l’encontre du consensus. Sinon, vous ne serez jamais en mesure de surpasser le marché ou vous vous laisserez facilement entraîner par un éventuel battage médiatique. »
3. Le storytelling
« Nous sommes souvent influencés par des récits qui altèrent notre perception de la réalité, ce qui nous amène à accorder une importance considérable à des événements, des scénarios et des résultats ayant un impact significatif. Bien que ces situations soient rares, elles revêtent une importance majeure, surtout d’un point de vue évolutif… Ainsi, les histoires tristes vont particulièrement raisonner en nous, tandis que l’histoire ‘ennuyeuse’ de la création de valeur ajoutée à long terme sur le marché boursier nous intéresse moins. Ces dernières années, avec la pandémie, la crise énergétique et les différentes guerres, nos pires craintes ont souvent été confirmées, mais cela n’est pas pour autant la norme. »
L’importance de l’argent a un impact négatif sur la qualité de nos décisions, qui sont influencées par cinq mécanismes.
4. L’excès de confiance
« Accomplir de ‘grandes’ choses requiert une bonne dose, voire un excès de confiance : créer sa propre entreprise, déclarer sa flamme,… Cependant, en matière de décisions financières, ce trop-plein de confiance peut s’avérer particulièrement néfaste. Par exemple, tout le monde pense pouvoir juger du moment opportun pour entrer ou sortir d’un marché. Or, il a déjà suffisamment été prouvé que le market timing ne fonctionne pas systématiquement. »
5. L’aversion pour la perte
« La douleur de la perte est 2 à 2,5 fois plus forte que le plaisir du gain. Cette asymétrie nous pousse à essayer d’éviter les pertes excessives, et, ce faisant, à les rendre plus probables. Notre peur des fluctuations de prix – qui peuvent parfois être importantes et prolongées – peut être si paralysante que nous nous décidons à ne pas investir. Nous évitons ainsi les rendements négatifs, mais nous ouvrons en même temps la porte à une perte de pouvoir d’achat de notre épargne à long terme. Éviter tout risque est illusoire. Il faut donc évaluer les risques et chercher à diversifier son épargne et ses investissements pour les couvrir. »
Comment pensez-vous que l’on puisse contrer ces mécanismes ?
« Les investisseurs professionnels n’en sont pas à l’abri, mais ils sont conscients de ces mécanismes et utilisent tout un arsenal de techniques pour y faire face. Par exemple, l’investissement professionnel se concentre sur les processus et suit une stratégie d’investissement bien définie. De plus, l’investisseur professionnel travaille au sein d’une équipe qui remet en question les convictions des uns et des autres, et fait l’objet d’un contrôle strict des risques. C’est beaucoup moins le cas des investisseurs particuliers, qui courent donc un plus grand risque d’être influencés. Pourtant, ils disposent également d’atouts qu’ils n’exploitent malheureusement pas suffisamment. Par exemple, ils ont beaucoup plus de temps pour jouer sur un long horizon d’investissement car, contrairement aux investisseurs professionnels, ils ne doivent pas rendre compte régulièrement de leurs rendements. En outre, ils peuvent être plus ‘relax’ à l’égard de leurs investissements. Cela leur permet de garder une certaine distance et leur évite de se laisser emporter.
Lorsqu’on sait à quel point prendre des décisions financières est exigeant mentalement, il est préférable de faire en sorte d’avoir à en prendre le moins possible. Pour ce faire, vous pouvez automatiser vos investissements et adopter une approche planifiée, par exemple au travers d’un plan d’investissement. Le fait d’investir un montant mensuel fixe vous permet d’éviter bon nombre des mécanismes susmentionnés et apporte une certaine stabilité. Il est également préférable de demander conseil à un conseiller tel que votre agent Crelan ou AXA Bank, qui vous aidera à garder le cap, à ne pas perdre de vue vos objectifs et à prendre du recul vis-à-vis rapport à vos placements. »