Depuis plusieurs années, les grands retailers actifs en Belgique dans l’e-commerce installent leurs centres de distribution dans les pays voisins. Cette tendance s’explique par des conditions fiscales plus alléchantes, des législations du travail plus souples mais aussi des habitudes d’achat des consommateurs en constante évolution.
Texte : Philippe Van Lil
Peu de boutiques en ligne
Ces dernières années, bon nombre de centres de distribution qui servent les e-consommateurs belges se sont installés dans les pays voisins : Allemagne, Pays-Bas, etc. L’exemple d’Amazon est significatif. Le géant américain de l’e-commerce a décidé de construire un nouveau centre de distribution à Mönchengladbach, à 40 kilomètres à peine de la frontière belge. Peu de doute quant au fait qu’il servira aussi à la couverture des territoires belge et néerlandais.
Ce centre d’une superficie de 110 000 m² emploiera quelque 1 000 personnes, qui s’ajoutent aux 12 000 collaborateurs permanents déjà présents au sein des 11 centres logistiques d’Amazon en Allemagne. À côté de ça, il n’y a pas de boutique en ligne Amazon à part entière en Belgique. Si un consommateur belge désire procéder à un achat auprès du géant américain, il est automatiquement envoyé auprès de Amazon.fr ou Amazon.de. Précision de taille : en Allemagne, Amazon est le plus grand acteur e-commerce, avec un chiffre d’affaires de 13,4 milliards d’euros en 2016.
Interdiction du travail de nuit
Amazon n’est qu’un exemple parmi d’autres. Un autre géant, Decathlon, lui aussi a menacé, l’an dernier, de déménager son centre de distribution de Willebroek vers les Pays-Bas. Les raisons de ces délocalisations, menaces de délocalisations et, d’une manière plus générale, de la faible présence de boutiques en ligne implantées en Belgique sont souvent les mêmes : notre pays n’est pas assez souple sur le plan fiscal ni au niveau des horaires de travail. Explications…
Amazon a décidé de construire un nouveau centre de distribution à Mönchengladbach, à 40 kilomètres à peine de la frontière belge.
Désormais, le consommateur belge passe de plus en plus commande en ligne…. et 40 % de ces commandes se font en soirée ! Et il s’attend à un traitement rapide de ses commandes. En Belgique, celles-ci ne peuvent cependant pas être traitées de suite car le travail de nuit, qui débute chez nous à 20h00, est soit interdit soit fiscalement pénalisé. Aux Pays-Bas, il n’est question de travail de nuit qu’après 24h00, d’où un traitement immédiat des demandes du consommateur.
Le même raisonnement prévaut pour le travail du dimanche. Dès lors, les quelque 8 millions de transactions qui ont lieu en moyenne ce jour-là ne sont traitées que le lundi en Belgique, alors qu’elles le sont immédiatement en Hollande.
À tout cela, s’ajoute le fait que le consommateur en ligne commande davantage à certaines périodes, comme les soldes. Certains regrettent qu’ici aussi, la législation belge manque de flexibilité au niveau des horaires de travail du personnel.
Manque à gagner
Ces délocalisations ou manques d’implantations représentent un manque à gagner considérable pour la Belgique. Actuellement, 57,3 % des achats en ligne des Belges sont réalisés auprès de webshops étrangers, que ce soit avec ou sans URL « .be ». En 2013, ce chiffre était de 37,3 %. Comeos, la fédération belge du commerce, estime que ceci est dû au fait que « les webshops belges ne peuvent pas répondre aux besoins du consommateur. L’e-consommateur privilégie la facilité et la rapidité au prix. Il sera plus tenté par un webshop qui le livre le lendemain que par un autre où il doit attendre deux ou trois jours. »
C’est pourquoi la fédération du commerce insiste depuis des années sur la nécessité de revoir les règles sur le travail de nuit, le travail du dimanche et la flexibilité du travail en général pour nous aligner sur les pays voisins. Elle pointe également le handicap salarial qui « malgré le taxshift, doit lui aussi encore diminuer ».
Si le coût et la législation sur le travail de nuit viennent largement en tête dans les raisons des délocalisations, d’autres facteurs non négligeables interviennent aussi. Parmi ceux-ci : notre législation en matière d’aménagement du territoire, nettement moins favorable que celle de nos voisins et concurrents directs.
Ces délocalisations ou manques d’implantations représentent un manque à gagner pour la Belgique : 57,3 % des achats en ligne des Belges sont réalisés auprès de webshops étrangers.
Ces quatre dernières années, 24 centres de distribution pour l’e-commerce se sont installés au-delà des frontières belges : 17 aux Pays-Bas, 4 en Allemagne et 3 en France. Comeos estime qu’ils représentent un total de 13 000 à 15 000 emplois.
Quelques chiffres encore…
Les derniers chiffres disponibles du SPF Economie sur l’e-commerce en Belgique sont révélateurs de l’importance du secteur. 69 % des consommateurs belges âges de 16 à 74 ans ont passé au moins une commande en ligne l’an dernier. Autrement dit, près de 8 internautes sur 10 sont des e-acheteurs.
Selon Comeos, 50 % des e-acheteurs dépensent au moins 100 euros par mois ; 48 % des e-consommateurs font des achats au moins une fois par mois et 7 % chaque semaine; l’e-commerce atteindrait un peu plus de 7 % du chiffre d’affaires du commerce de détail; 32 % des consommateurs ont acheté en ligne en 2017 en substitution d’achats effectués auparavant en boutiques physiques ; 35 % des consommateurs ont acheté en ligne des biens ou services supplémentaires.