Le retail est en pleine mutation. Comme le souligne Dominique Michel, CEO de Comeos, tous les acteurs du commerce de détail doivent notamment s’adapter aux bouleversements induits par les innovations technologiques et les nouvelles attentes des consommateurs.
Texte : Philippe Van Lil
Quel regard portez-vous sur l’évolution du secteur du commerce ?
« En 2019, nous sommes au centre d’une révolution du secteur des services, plus particulièrement de celui du commerce. Ce que l’industrie a connu dans les années 70 s’applique aujourd’hui à notre secteur. Les changements essentiels viennent tout d’abord de la technologie et ensuite du consommateur. La technologie nous permet de consommer n’importe quand et n’importe où. »
« Auparavant, ce qui se passait dans un pays n’avait pas beaucoup d’impact ailleurs ; ce n’est plus le cas aujourd’hui. En Belgique, environ 10 % du chiffre d’affaires du commerce vient du digital ; ce pourcentage va encore augmenter car il est beaucoup plus élevé dans les pays voisins. Tout cela nécessite énormément d’adaptations, rendues d’autant plus impérieuses avec le développement de l’intelligence artificielle et des big datas. »
Avec quels avantages supplémentaires désormais offerts aux clients ?
« Dans le commerce, on a dorénavant des possibilités d’anticipation de ce que le client souhaite réellement. On peut aussi développer une communication ciblée pour chaque client. Il y a quelques années, le commerce consistait à mettre un maximum de produits dans un magasin et à les offrir aux personnes qui se présentaient physiquement. »
Le consommateur n’est plus du tout fidèle à une chaîne ou à une marque ; il a des tas d’exigences qu’il n’avait pas auparavant.
« Aujourd’hui, et surtout demain, on aura sans doute beaucoup moins de produits en magasin mais beaucoup plus d’explications, de services, d’activités annexes. À côté des magasins physiques, le commerce virtuel prendra de plus en plus d’ampleur. »
L’évolution démographique a-t-elle aussi une influence sur le secteur ?
« À coup sûr, le consommateur de 2019 n’a plus grand-chose à voir avec celui de 1970 : la cellule familiale change de nature, avec des familles recomposées, des personnes isolées, etc. ; la population vieillit ; les gens voyagent beaucoup plus ; etc. Par ailleurs, aujourd’hui, le consommateur n’est plus du tout fidèle à une chaîne ou à une marque ; il a des tas d’exigences qu’il n’avait pas auparavant, entre autres en matière environnementale ou de traçabilité des produits. »
Que fait précisément le secteur en matière de durabilité ?
« Il est actif tous azimut, au point que les entreprises se livrent une concurrence pour être plus ‘vertes’ les unes que les autres. Outres les initiatives individuelles, une série d’engagements ont été pris au niveau sectoriel, dont le plus connu est la suppression des sacs en plastique en caisse. Autres exemples : dans les mois à venir, il n’y aura plus de petites étiquettes sur les fruits, ce qui permettra d’épargner par an… quelque 20 tonnes de plastique ! »
« À partir de 2020 aussi, la vaisselle en plastique non réutilisable ne sera plus de mise dans la restauration. D’ici à 2022, on supprimera tous les plastiques qui entourent les publicités toutes-boîtes. D’ici à la fin 2025, nous voulons qu’il y ait 50 % de matériau recyclé dans les bouteilles PET, alors que l’UE n’en demande que 25 %. Nous sommes donc très actifs, voire proactifs. »
De nombreuses tâches manuelles répétitives, notamment dans les entrepôts, sont déjà effectuées par des robots. Cela ira en s’accélérant, ce qui nécessite des formations spécifiques pour des jobs à très haute valeur ajoutée.
Quel est le plus grand défi sur le plan environnemental ?
« C’est de réduire la quantité d’emballages et de les concevoir dès le départ pour être recyclés. À côté de cela, nous sommes également très engagés pour modifier la composition de certains produits afin qu’il y ait moins de sel, plus de fibres, etc. »
Tous ces changements ont également un impact sur les profils des travailleurs recherchés…
« Effectivement. C’est même fondamental ! Nous avons toujours besoin de collaborateurs qui scannent les produits aux caisses ou les réassortissent en rayons, mais aussi, dans le marketing par exemple, de personnes à même d’exploiter des fichiers avec des big datas, d’analyser les informations trouvées sur les réseaux sociaux ou les cartes client et de procéder à du marketing individualisé. Et, puis, on a aussi surtout besoin de personnes capables de conseiller les clients ; on est passé d’un profil de vendeur à celui d’accompagnateur. »
Le secteur déploie-t-il des efforts pour former son personnel ?
« Oui, de plus en plus. Nous venons par exemple de lancer une formation très pointue sur les chatbots. On ne trouve en effet pas facilement ce type de profil. Plus globalement, un défi gigantesque à l’avenir sera de former des milliers de collaborateurs à de nouvelles fonctions. »
« De nombreuses tâches manuelles répétitives, notamment dans les entrepôts, sont déjà effectuées par des robots. Cela ira en s’accélérant, ce qui nécessite des formations spécifiques pour des jobs à très haute valeur ajoutée. »