Dans le contexte d’incertitude actuel, repenser la politique de rémunération est plus que jamais un défi important à relever. Entretien avec Paul-Etienne Siegrist, Senior Manager Reward & Talent Management chez Hudson.
Texte : Olivier Clinckart
Quels sont les piliers d’une politique salariale durable ?
Paul-Etienne Siegrist : « Tout d’abord, cette politique doit être stratégiquement ancrée. Quels critères souhaitons-nous rémunérer ?, quels sont les leviers réels pour atteindre les objectifs ?, quel positionnement choisir ?, à quel marché de référence vaut-il mieux se comparer ?, quels instruments financiers utiliser pour rémunérer les collaborateurs ?, quelle gouvernance mettre en place ?, etc.
Ensuite, elle doit être intégrée dans des processus RH interconnectés: job design, classification, modèles de gestion des carrières etc.
Puisqu’une politique de rémunération peut orienter les comportements, il faut qu’elle contribue aux objectifs en matière de RSE.
Troisièmement, elle doit être résistante aux crises : améliorer un certain contrôle budgétaire au moyen d’enveloppes fermées ou encore d’architecture de bonus pouvant prendre en compte des éléments de résultats de l’entreprise.
Les notions de variable davantage basés sur du collectif ont également un caractère plus durable de par une meilleure stabilité des objectifs liés.
Enfin, puisqu’une politique de rémunération peut orienter les comportements, il faut qu’elle contribue aux objectifs en matière de RSE : l’impact que la société souhaite avoir sur l’environnement, tant en matière de mobilité pure (comment mieux gérer les déplacements) que de santé mentale (programmes de vitalité centrés autour du bien-être physique et psychique) ou encore de lutte contre les inégalités (les objectifs définis par l’ONU en la matière pouvant servir de point de départ pour une réflexion approfondie). »
Une enquête de Hudson souligne que 44% des entreprises estiment que leur politique salariale n’est pas résistante aux crises. Ce chiffre est-il interpellant ?
P-E. S. : « Il y a toujours une part de fixe dans le package global de rémunération qui reste importante. Depuis plusieurs années, la proportion du variable tend toutefois à s’agrandir, ce qui est une manière d’accroître son agilité par rapport à un contexte fluctuant.
Il y a clairement la volonté d’implémenter des solutions: véhicules électriques, alternatives de transports..
Par ailleurs, la fiscalité sur le travail reste évidemment assez lourde en Belgique et un allègement ce celle-ci permettrait d’améliorer la résistance des entreprises »
La politique de mobilité durable revient régulièrement sur la table. Observe-t-on une avancée en la matière ?
P-E. S. : « Il y a clairement la volonté d’implémenter des solutions: véhicules électriques, alternatives de transports.. Ceci dit, le cadre légal évolue très vite, avec certaines propositions qui n’ont pas fait leurs preuves ou suscitent de nombreuses réticences. Mais la réflexion bat son plein et est très vivace au sein des entreprises. »
«L’enjeu du retour au travail après la crise Covid n’est d’ailleurs pas négligeable. Le retour à la situation d’avant, avec 100 % de présentiel, n’est plus envisageable car les mentalités ont évolué, ce qui aura forcément un impact sur la mobilité des personnes. »
Dans l’idéal, les stratégies organisationnelles et salariales doivent être alignées l’une sur l’autre, mais ce n’est pas le cas pour environ ¼ des entreprises. Est-ce beaucoup ?
P-E. S. : « Ce chiffre est assez significatif et montre une déconnexion entre ces deux stratégies, ce qui entraîne une déperdition potentielle des moyens mis en oeuvre. Pour être davantage efficace, la stratégie de rémunération doit pouvoir se mettre au service de la stratégie d’entreprise et des objectifs à atteindre, de la réalisation des ambitions. »
Les pouvoirs publics et les entreprises sont-ils pleinement conscients de la nécessité de repenser la politique de rémunération ?
P-E. S. : « Il est difficile d’établir une généralité, mais le monde politique est certainement davantage conscient de la lourdeur de la fiscalité sur le travail. L’entreprise d’aujourd’hui a la création de valeur comme responsabilité, ce ne sont plus uniquement les actionnaires qui doivent être bénéficiaires de cette valeur, mais toutes les parties prenantes, dont les employés. Cette politique de rémunération gagnerait à être davantage réfléchie pour avoir un vrai impact sur les employés. »
Qu’en est-il de l’étude salariale publiée chaque année par Hudson ?
P-E. S. : « C’est une enquête générique qui recueille les données salariales réelles, depuis les employés (ouvriers y compris) jusqu’au comité de direction. Environ 700 entreprises y participent et nous récoltons plus de 210.000 observations par an. Nous avons également des enquêtes plus spécifiques au niveau sectoriel: le secteur bancaire, IT, les cabinets d’avocats etc.
Nous sommes d’ailleurs actuellement dans la phase de collecte des données relatives à 2021, et chaque entreprise désireuse d’y participer est la bienvenue. Nos participants bénéficient de plusieurs avantages tel que le suivi des résultats & tendances du marché (rapports, webinaires, enquêtes…), d’un benchmark de leur choix ou encore davantage sur notre outil en ligne ‘Reward Architect’. »