Les bouleversements du monde du travail suite à la crise du coronavirus orientent les Ressources Humaines vers une évolution salutaire. Entretien avec Steven Van Raemdonck, Country Manager Belgium chez Top Employers.
Texte : Olivier Clinckart – Photo : Kris Van Exel
Steven Van Raemdonck
Country Manager Belgium
Top Employers
La pandémie de coronavirus s’avère être une crise d’une ampleur sans précédent. Comment les pratiques de leadership doivent-elles évoluer pour y répondre efficacement?
Steven Van Raemdonck : « La crise a renforcé et accéléré une tendance déjà visible en la matière depuis un certain temps. Lors de nos enquêtes et nos contacts avec les entreprises, nous constatons que la transparence est devenue un élément essentiel. »
Nous évoluons vers un leadership serviteur où le manager partage ses points de développement personnel avec ses collaborateurs.
« Les contacts avec les collaborateurs se sont resserrés, la communication est devenue plus ouverte et plus flexible. Tous les Top Employers organisent des réunions virtuelles où chacun peut poser des questions au Management. »
Pour autant, ces évolutions sont directement liées au contexte du coronavirus.
S. V. R. : « Oui, mais l’espoir est que cette tendance pourra se poursuivre une fois la crise terminée, à savoir que les employeurs restent ouverts au dialogue avec leurs collaborateurs, qu’ils se rendent durablement compte qu’eux aussi ne sont pas infaillibles. Par extension, cet aspect entraîne une meilleure compréhension mutuelle entre l’employeur et l’employé. Nous évoluons vers un leadership serviteur où le manager partage ses points de développement personnel avec ses collaborateurs, et prend ses décisions en concertation avec eux afin qu’elles soient largement soutenues. »
Avant l’apparition du coronavirus, le télétravail restait encore une exception, aujourd’hui c’est quasiment devenu la norme. Mais cette réalité nécessite aussi une nouvelle forme de management, basée sur une confiance accrue?
S. V. R : « En analysant les données recueillies auprès des entreprises certifiées Top Employers, nous pouvons constater qu’elles se sont très rapidement adaptées à cette nouvelle norme. Beaucoup se sont organisées pour continuer à travailler en tenant compte de cette proportion de quasiment 100% de télétravail.
Pour autant, est-ce devenu la règle pour l’ensemble du secteur professionnel? Il est prématuré de dresser un constat global, mais toujours est-il que l’exemple des Top Employers est souvent suivi lorsqu’une nouvelle tendance se profile. Certes, on peut s’attendre à une certaine résistance face à l’extension du télétravail, mais ce qui se passe en ce moment fait figure d’une expérience sociale à grande échelle. De plus en plus d’employeurs se rendent compte que vouloir garder un contrôle permanent n’est pas plus constructif que de laisser une certaine marge de manoeuvre aux collaborateurs. »
Dans le contexte actuel, les notions de bien-être physique et psychique prennent toute leur signification. Comment le management peut-il répondre à ce défi?
S. V. R : « En cette période troublée où de nombreuses personnes travaillent à distance, le manager doit veiller à rester à l’écoute de ses collaborateurs pour détecter tout signal éventuel de mal-être. Parallèlement, un employé qui perçoit que son manager est ouvert à l’écoute se sentira d’autant plus enclin au dialogue en cas de difficulté.
Les entreprises rechercheront des solutions hybrides dans lesquelles les collègues suivront des séances de concertation parfois depuis leur domicile, parfois au bureau.
Au quotidien, une autre initiative propice au bien-être consiste dans la mise en place des pauses-café virtuelles qui permettent aux collègues de se retrouver et de profiter d’un moment de détente.
Par ailleurs, certaines grandes entreprises ont commencé à intégrer une gestion nettement plus flexible des horaires de travail. Le lieu de travail lui-même évoluera dans ce sens, et deviendra plutôt le lieu où les gens se rassemblent en équipe pour se rencontrer, travailler sur des projets communs et construire une culture d’entreprise commune. »
En conclusion, pensez-vous que la crise actuelle verra émerger une nouvelle manière durable de concevoir le travail?
S. V. R « On peut se montrer raisonnablement optimiste à ce sujet. La réorganisation du monde du travail qui est en train de se produire doit pouvoir se poursuivre une fois que la situation liée à la pandémie sera maîtrisée. Cette tendance me paraît irréversible. Ce qui ne veut pas dire que, lorsque les choses reviendront à la normale, tout le monde continuera à travailler depuis son domicile. Les entreprises rechercheront des solutions hybrides dans lesquelles les collègues suivront des séances de concertation parfois depuis leur domicile, parfois au bureau.
Mais il semble clair que désormais, plus personne n’a encore envie de perdre un temps considérable sur la route et dans les embouteillages aux heures de pointe, alors que le télétravail a démontré son efficacité, sans perdre de vue le bien-être psychique. Un meilleur équilibre verra le jour entre vie privée et vie professionnelle. Cette vision de l’avenir peut paraître très idéaliste, mais l’expérience des derniers mois a démontré qu’elle est déjà devenue une réalité dans la pratique. »