De nouveaux règlements de l’Union européenne sont désormais d’application en matière de gestion patrimoniale familiale et de certificat successoral. Azelio Fulmini, Avocat au cabinet bruxellois Philippe & Partners, nous en détaille les implications.
Texte: Philippe Van Lil
Quels sont les nouveaux règlements européens en matière de gestion patrimoniale ?
« Il s’agit des règlements européens n° 1103 et 1104 de 2016. Entrés en vigueur le 29 janvier 2019, ces actes introduisent des règles directement applicables en matière de régimes patrimoniaux. »
« Ces règlements introduisent des règles qui se substituent aux règles nationales et complètent le bloc normatif européen en la matière : succession (650/2012), droit applicable en cas de conflit entre personnes privées (2201/2003), exécution des jugements (1259/2010.) »
Dans quelle mesure ?
« D’abord car ils ont force de loi. Ensuite car, outre le fait d’harmoniser ce qui existait préalablement au niveau des États, ils modifient – parfois de façon importante – les règles nationales dans des domaines de droit privé comme la famille, la succession et la gestion patrimoniale. »
« L’Europe entre ainsi en quelque sorte directement dans la vie privée des citoyens. Dans le cadre d’un divorce par exemple, elle se substitue aux États en tant que pouvoir législatif. »
La superposition des règles européennes et nationales entraîne-t-elle des difficultés ?
« Il y a déjà des problèmes de droit applicable, de reconnaissance des actes passées, de juge compétent ou d’exécution du jugement. Les nouvelles règles européennes introduisent des possibilités, pour les citoyens domiciliés dans un autre pays membre, de choisir un seul régime applicable et d’attribuer la compétence à un seul juge. »
Les règlements modifient les règles nationales dans des domaines de droit privé comme la famille, la succession et la gestion patrimoniale.
« Ceci a pour objectifs de donner de la stabilité et d’éviter les doubles procédures et les conflits, même en cas de déménagement postérieur, si le choix n’est pas officiellement modifié, sous certaines conditions bien sûr. »
Un exemple ?
« Prenons un couple belgo-autrichien. Au moment de la rédaction de l’acte de mariage, ils peuvent décider qu’en cas de divorce, on appliquera la loi autrichienne ou la loi belge pour ce qui concerne le régime des biens appartenant à la communauté et/ou aux patrimoines des parties. »
« Ce choix peut non seulement prévenir les problèmes, vu l’existence de règles différentes dans les États, notamment concernant les droits et obligations sur les biens et d’autres droits des membres de la famille, mais aussi réduire les risques de doubles procédures, de conflits de compétence des lois applicables et de jugements contradictoires. »
« L’objectif est de s’assurer l’application d’un régime, avec la compétence d’un seul juge et la garantie du respect de ce choix et de ses conséquences partout en Europe. Le schéma est identique au régime UE du Passeport successoral européen. »
Des problèmes peuvent aussi intervenir lors d’une succession…
« Effectivement ! La législation étant nouvelle, il faudra attendre quelque temps pour comprendre l’interprétation à donner à certaines règles. »
« Par exemple, si les biens immobiliers faisant partie de la masse successorale restent bel et bien soumis à la fiscalité du pays où ils se trouvent, peu importe le régime choisi dans le passeport successoral, il y a, à notre avis, une question concernant l’interprétation à donner à cette règle de territorialité du régime du bien immeuble avec la règle du choix de la loi applicable à la succession. »
« L’administration affirme que les taxes de succession sur la valeur du bien immeuble faisant partie de la masse successorale doivent être payées dans le pays où se trouve le bien. »
Mais tout le monde ne partage pas ce point de vue…
« D’autres pensent en effet – et la Cour de justice de l’Union européenne devrait leur donner raison – que lorsqu’on est dans le cadre d’une succession internationale avec un passeport successoral européen et que, par exemple, on a choisi la loi d’un pays X, tout doit alors être taxé selon cette loi. Et ce même pour la valeur de l’immeuble qui se trouve dans un autre pays. »
Il ne faut pas oublier qu’en droit belge, l’avocat peut établir l’« acte d’avocat », un acte similaire à l’acte notarié, avec la même valeur d’authenticité, sauf pour l’enregistrement et les actes d’inscription.
« Si, par une application « subsidiaire » aux régimes nationaux, on prétend prélever sur ce bien la taxation de succession sur sa valeur au taux et dans le pays où il se trouve, on réduit à néant le droit de choisir un seul et unique régime applicable à la masse successorale. »
« Le choix opéré par le passeport successoral européen ne se limite pas à déterminer le juge compétent ; il choisit aussi le régime, donc la taxation, applicable à toute la masse successorale, mis à part frais et dépens qui, comme le précompte immobilier, gravent sur le bien là où il se trouve. »
Pour y voir clair, suggérez-vous de faire appel à un avocat ?
« C’est en effet une manière pour nous de donner un conseil plus personnalisé et une interprétation plus libre que celle de l’administration. »
« En outre, il ne faut pas oublier qu’en droit belge, l’avocat peut établir l’« acte d’avocat », un acte similaire à l’acte notarié, avec la même valeur d’authenticité, sauf pour l’enregistrement et les actes d’inscription. »
« L’acte d’avocat peut être l’acte préalable à la rédaction du passeport successoral européen. Il constitue un atout, dans la mesure où le citoyen se garantit une marge ultérieure de flexibilité, tout en gardant la sécurité d’avoir un acte qui fait foi d’authenticité. »