Comment se porte le secteur immobilier ? Les taux d’intérêts repartent à la hausse, les prix des matières premières s’envolent, les coûts de l’énergie ont atteint des sommets. En dépit de ces éléments, Stéphane Verbeeck, Président de l’Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI), se déclare confiant mais réclame, dans le même, le maintien voire l’extension des aides existantes.
Quel est l’impact de la crise actuelle sur le secteur immobilier ?
Stéphane Verbeeck : « Tout comme ce fut le cas durant la crise économique de 2008 ou, plus récemment, durant la crise sanitaire, chaque période de perturbation de l’ampleur de celle que nous connaissons actuellement provoque de nombreux changements et une sorte de ‘reset’. En raison de l’inflation et de la hausse des coûts de l’énergie, certains produits qui fonctionnaient très bien jusqu’ici le feront moins bien à l’avenir. Toutefois, vu que nous sommes forcés de reconsidérer les choses, d’autres produits feront leur apparition sur le marché. Par ailleurs, même si personne ne dispose d’une boule de cristal, on peut espérer que nous avons passé le cap d’une inflation démesurée. Pour autant que la guerre en Ukraine ne s’aggrave pas, nous devrions connaître une stabilisation des prix de l’énergie – qui resteront élevés malgré tout – et revenir à une inflation de l’ordre de 3 à 4 % l’an prochain. »
L’immobilier de bureau connaît néanmoins des mutations importantes…
S. V. : « La crise du Covid a en effet déjà provoqué des bouleversements majeurs. Nombre d’entreprises s’adaptent à l’accroissement du télétravail et réduisent leurs surfaces de bureau. Globalement, celles-ci évoluent vers des espaces mieux adaptés : plus petits, plus conviviaux, plus flexibles, convenant mieux à la tenue de réunions, parfois localisés plus près du domicile des collaborateurs, voire en coworking. Aujourd’hui, plus de 80 % des bureaux ne répondent pas encore à ces critères. Cela entraînera forcément une très grande activité dans le secteur. On notera aussi que dans le domaine de la logistique, beaucoup d’acteurs ont rempli au maximum les entrepôts et surfaces de stockage en raison de la hausse des prix des matières premières. Durant les prochaines années, les choses risquent d’y être un peu plus compliquées, car la demande finira par se rééquilibrer. »
Qu’en est-il dans le résidentiel ?
S. V. : « Les questions d’énergie et de durabilité provoquent ici aussi des changements très importants et très rapides. Certaines évolutions envisagées à un horizon de dix ans ne prendront que deux ou trois ans. Il y a encore une dizaine d’années, les investissements dans le résidentiel ne représentaient pas une grande part ; depuis cinq ans, ils sont vraiment venus à l’avant-plan. En raison des faibles taux d’intérêts, l’immobilier d’investissement a été florissant ces dernières années. Même si ces taux remonteront, je ne pense pas que le résidentiel en pâtira. Des formules comme la possibilité de confier la gestion de son patrimoine immobilier à des tiers rendent ce type d’investissement très attractif, avec une plus-value plus élevée que l’intérêt annuel qu’on peut avoir sur une SICAV cotée en bourse. De toute façon, diversifier ses investissements reste judicieux, notamment, dans une optique à long terme, en plaçant en moyenne un tiers de ses moyens dans de l’immobilier. »
Il y a encore une dizaine d’années, les investissements dans le résidentiel ne représentaient pas une grande part ; depuis cinq ans, ils sont vraiment venus à l’avant-plan.
Quels conseils donnez-vous aux personnes désireuses d’investir ?
S. V. : « Tout le monde ne dispose pas des moyens pour investir dans l’immobilier de bureau. Dès lors, si l’on est limité financièrement, mieux vaut commencer par investir dans des logements pour étudiants ou dans de nouvelles formules de coliving. Sur le marché locatif, il est en outre préférable de consacrer 100.000 euros dans un appartement étudiant situé dans un centre-ville que dans une maison dans un lieu retiré à la campagne où l’on n’est pas sûr qu’il y ait de la demande de logement. Il faut aussi veiller à ce que ces investissements n’engendrent pas trop de travail en termes de gestion. C’est par exemple dès lors plus difficile d’investir dans des appartements à l’étranger. Il faut aussi tenir compte de tous les aspects de financement : la structure de celui-ci, les déductions fiscales potentielles, etc. Enfin, il est aussi très important d’acheter des biens qui répondent aux dernières normes en termes de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre. »
Il est très important d’acheter des biens qui répondent aux dernières normes en termes de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre.
Comment parviendra-t-on à répondre aux objectifs de durabilité ?
S. V. : « C’est l’un des plus grands défis du secteur aux horizons 2030 et 2050, soit les deux grands moments où l’on sera contrôlé par rapport aux objectifs européens en ce domaine. Aujourd’hui, près de 95 % de notre parc immobilier n’est pas encore adapté à ces normes. Actuellement, de nombreuses possibilités de subsides existent pour l’isolation, le double vitrage, les panneaux solaires, les pompes à chaleur, etc. »
Aujourd’hui, près de 95 % de notre parc immobilier n’est pas encore adapté aux objectifs européens en matière de durabilité .
« Mais elles ne sont réservées qu’aux propriétaires qui transforment leur propre logement, pas aux promoteurs immobiliers. Il faudrait étendre ces mécanismes aux promoteurs. C’est d’autant plus justifié que les coûts de construction et de rénovation ont fortement augmenté en 2022, de même que le coût du crédit pour les promoteurs. Il faut en outre être conscient que la plupart des gens n’ont pas envie d’avoir à gérer une rénovation eux-mêmes, soit par manque de temps, soit parce qu’ils ont eu une mauvaise expérience. Autant privilégier dès lors l’achat de biens immobiliers neufs déjà aux normes ; ceci permettrait d’accélérer la rénovation du parc existant. »
Avez-vous d’autres revendications, notamment en termes de fiscalité ?
S. V. : « À l’heure actuelle, la TVA sur la démolition et la reconstruction est fixée à 6 %. Ce taux vient normalement à échéance en 2023. Vu son importance pour le secteur, nous en demandons le maintien. »