Aujourd’hui, les projets immobiliers s’inscrivent sur du long terme, en tenant compte des critères environnementaux. Explications de Coen van den Wijngaart et Karol Gawlik, du bureau archipelago.
Texte : Olivier Clinckart
Coen van den Wijngaart
Engineer architect – acquisition & business development
Archipelago
Karol Gawlik
Civil engineer architect
Archipelago
Respecter les dimensions sociales et patrimoniales, tout en prenant en compte les économies d’énergie et des performances environnementales. C’est le défi des bureaux d’architectes, dont les projets doivent désormais prévoir sur du long terme, jusqu’à une centaine d’années. Il convient également de collaborer avec un maximum de professionnels pour chaque métier du projet.
Le cycle de vie d’un bâtiment ne doit plus forcément se limiter à sa fonction actuelle, mais doit pouvoir s’adapter à d’autres utilisations.
Coen van den Wijngaart
C’est ce que confirme Coen van den Wijngaart, engineer architect, acquisition & business development chez archipelago : « Le Green Deal européen demande de mettre au point un nouveau modèle économique qui tend vers une économie circulaire. »
« Dès lors, la valeur de ces biens immobiliers et le retour sur investissement vont être répartis différemment. L’innovation sera un élément-clé pour la mise en place de ces nouvelles valeurs. Pour nous architectes, il est dès lors essentiel de bien cerner les besoins de chaque partie prenante de l’éco-système, afin de développer nos solutions innovantes. Notre travail sera donc bien plus qu’une simple intervention esthétique. »
Projet U
À cet effet, le Projet U constitue un excellent exemple pleinement représentatif. Cet immeuble de bureaux désaffecté a été reconverti pour y rassembler les 450 agents administratifs de la commune d’Uccle. Ainsi, Coen van den Wijngaart explique que « notre architecture se veut fonctionnelle. Quand nous parlons de durabilité, il ne s’agit pas uniquement du bâtiment en tant que tel, mais aussi de l’aspect social qui se développe autour. La valeur ne se calcule donc pas uniquement en fonction des murs, mais aussi en fonction de l’impact créé par cette économie circulaire ».
Pour Karol Gawlik, civil engineer architect chez archipelago, « la question à se poser était : que peut-on encore faire avec un bâti existant, dans la ville dans laquelle on vit ? Comment transformer un bâtiment privé de bureaux datant des années 70 en un espace public qui garde une fonction de bureaux, mais avec un statut différent, tant pour le parc alentour que pour la gestion de l’eau ? Le défi était donc de retenir les qualités encore existantes de cet espace, afin de les mettre aux normes au niveau énergétique et lui donner parallèlement un aspect contemporain réussi ».
Un écosystème vertueux
Ce type de projet nécessite d’étudier dans les détails comment adapter les différentes techniques liées à la rénovation ou la construction, comme par exemple l’isolation, pour atteindre l’objectif souhaité. Ainsi, les architectes d’archipelago ont planché sur l’hypothèse de la possible surchauffe du bâtiment, en étudiant la solution la plus discrète et la plus élégante, à savoir des stores extérieurs adaptables en fonction de l’exposition au soleil des différentes façades.
Un autre point crucial était celui de la gestion de l’eau. Pour ce faire, une collaboration a été développée avec Vivaqua, comme l’explique Karol Gawlik : « Le procédé de riothermie consiste à puiser de l’énergie dans les eaux usées du réseau d’égout pour chauffer et refroidir le bâtiment. Cela montre à quel point il est possible d’interagir avec notre écosystème citadin en exploitant des ressources d’énergie gratuites. »
« La rétention de l’eau de pluie sur le site se révèle particulièrement pratique en cas de périodes de sécheresse en été, par exemple, ce à quoi nous serons probablement de plus en plus souvent confrontés à l’avenir. »
Un bâtiment multifonctionnel
Coen van den Wijngaart note que « la multifonctionnalité du bâtiment constitue un autre élément essentiel : le cycle de vie ne doit plus forcément se limiter à sa fonction actuelle, mais doit pouvoir s’adapter à d’autres utilisations, pour s’éloigner du modèle linéaire unifonctionnel. Un bâtiment peut désormais avoir plusieurs vies, ce qui ne nécessite plus sa destruction après 30 ans. Ainsi, un bâtiment de bureaux tel que celui du Projet U pourrait parfaitement devenir un immeuble de logement dans quelques décennies ».
Karol Gawlik abonde dans le même sens : « Ce qui est marquant, c’est qu’il aurait été plus simple de démolir toute cette structure en béton pour construire à la place un nouveau bâtiment adapté à sa fonction. Mais avec comme conséquence une pollution considérable causée par des centaines de camions devant transporter des gravats vers des sites de recyclage. D’où la question cruciale à se poser pour un architecte : faut-il vraiment démolir, et si ce n’est pas indispensable, comment redonner vie à un bâtiment de manière intelligente ? »
« D’où l’importance pour nous de bien inclure dans un seul projet tous les paramètres de fonctionnalité, de bien-être, d’abordabilité et de durabilité », conclut Coen van den Wijngaart. « Et de bien garder à l’esprit le fait que notre client est évidemment celui qui nous commande un projet, mais aussi l’utilisateur final qui aura l’usage du bien au quotidien. »