En termes de décarbonisation, de durabilité et d’économie circulaire, les défis sont énormes dans le secteur du bâtiment. La démarche Cradle to Cradle – littéralement « du berceau au berceau » – est celle privilégiée chez Drees & Sommer. Les explications de Michael Moradiellos del Molino, International Sustainability & Circular Economy Consulting chez Drees & Sommer.
Michael Moradiellos del Molino
International Sustainability & Circular Economy Consulting
Drees & Sommer
En quoi consiste l’approche Cradle to Cradle ?
Michaël Moradiellos : « Appliquée dans le domaine de l’économie circulaire, elle a été créée il y a une trentaine d’année par un chimiste allemand et un architecte américain. Ils se sont demandés quelle était la nature, la composition, la provenance et la destination des matériaux utilisés dans la construction et quels étaient leurs impacts sur les utilisateurs et sur l’environnement une fois ces matériaux traités ou recyclés. Autour de cette approche, notre entreprise accompagne aujourd’hui des porteurs de projets – investisseurs, promoteurs, constructeurs – afin d’évaluer l’impact des matériaux en matière d’environnement et de santé. Nous réfléchissons notamment à la manière de les récupérer et de les réutiliser pour produire d’autres matériaux dans des cycles organiques et technologiques. »
Comment appliquez-vous cette démarche ?
M. M. : « D’une part, au sein de la multinationale Drees & Sommer, qui compte quelque 5.500 collaborateurs, nous disposons d’un institut de recherche et de conseil, EPEA, pour la mise en œuvre de solutions Cradle to Cradle. Composé de chimistes, il certifie les produits liés aux processus de fabrication de matériaux, notamment pour s’assurer de pouvoir les traiter et les recycler correctement dans le futur. D’autre part, au sein du pôle immobilier que je pilote à l’international, nous assemblons les matériaux de telle sorte qu’à l’avenir, des espaces de bureaux puissent être reconfigurés en logements ou vice-versa. C’est notamment le cas dans le projet ZIN. »
En quoi consiste-t-il ?
M. M. : « Le ZIN concerne les tours 1 et 2 du complexe WTC à Bruxelles. Construites dans les années 1970, elles répondaient à un besoin monofonctionnel de bureaux institutionnels. Pour intégrer cette notion du Cradle to Cradle, nous avons invité les fabricants à concasser et recycler 50.000 tonnes de béton, avec une traçabilité à 100 %. Au total, nous avons conservé 65 % des matériaux existants, auxquels nous avons ajouté des matériaux bas carbone et certifiés Cradle to Cradle. Dans le nouveau bâtiment, on trouve une partie centrale de 70.000 m² de bureaux, mais aussi du logement, des espaces de sport, un hôtel, etc. »
Nous devons continuer de générer des investisseurs et de fédérer des banques pour financer les rénovations du bâti obsolète.
Des espaces donc modulables ?
M. M. : « Les techniques de construction ont en effet été réfléchies pour qu’ils le soient très facilement. On pourra ainsi éventuellement transformer les bureaux en logements ou le contraire dans le futur. Signalons aussi que des efforts considérables ont été réalisés en termes de verdurisation et de biodiversité. On dispose ainsi d’un grand hall rempli de plantes à l’entrée du bâtiment, d’une grande serre, d’un espace semi-public avec de grands arbres de près de 15 mètres, de plantes dans les étages, etc. Même la plupart des matériaux de finition – tapis, peinture, etc. – sont aussi réfléchis en termes de Cradle to Cradle et d’impact au niveau des particules fines, particulièrement nocives pour la santé. »
Outre l’économie circulaire, à quels autres défis votre secteur est-il confronté?
M. M. : « Les projets de rénovation dont nous avons la charge sont d’une grande ampleur, à la fois en termes de taille et de challenges. Ces bâtiments comptent souvent une ou plusieurs décennies d’ancienneté. Ce sont ce qu’on appelle des ‘Stranded Asset’, en référence à des bâtiments devenus obsolètes en raison de l’évolution de la population, de la technologie ou de la réglementation. Or, nous sommes aujourd’hui astreints à de nombreux critères en termes d’environnement, d’énergie et de bien-être des travailleurs, dont ceux fixés par la COP 21, la taxonomie européenne et les nombreuses certifications. Ces anciens bâtiments perdent dès lors de l’intérêt sur le marché. Dans le même temps, à Bruxelles notamment, la démolition d’un bâtiment devient de plus en plus difficile à négocier et donc de plus en plus rare. Malgré tout, nous devons continuer de générer des investisseurs et de fédérer des banques pour financer ces rénovations. »