Se lancer dans un vaste projet immobilier de construction ou de rénovation ne s’improvise pas. Il ne suffit pas d’avoir une bonne idée pour qu’elle se concrétise. Comme le soulignent Eric Doye et Tim De Roo, deux des administrateurs de la société ACMG, de tels dossiers sont d’une complexité croissante et exigent une coordination optimale.
À quels types de contraintes les grands projets immobiliers sont-ils soumis ?
Eric Doye : « Elles sont nombreuses. Cela peut être par exemple des contraintes de permis ou de certifications diverses, ainsi que des impératifs liés à la conjoncture. L’immobilier et la construction sont deux mondes intimement liés, dans lesquels il s’agit d’avoir une coordination optimale en faisant travailler tous les intervenants en bonne intelligence. Le rôle de notre entreprise est précisément de se placer à côté du client en tenant compte de ces contraintes et en assurant cette coordination. »
Tim De Roo : « C’est d’autant plus nécessaire que le monde de la construction se complexifie, notamment sur le plan technologique. Il nécessite la présence de nombreuses parties prenantes – architectes, ingénieurs, maîtres d’œuvre, consultants, etc. – qu’il faut rassembler autour de la table. Ils ne peuvent plus se contenter de s’échanger des mails comme auparavant. Désormais, on a besoin notamment des plateformes collaboratives pour partager et disposer en temps réel de toutes les informations nécessaires et de leurs dernières actualisations pour que le processus se déroule d’une bonne manière. »
Au départ d’un projet, sur quels éléments portez-vous l’attention ?
E. D. : « Nous insistons d’abord auprès de tout client, privé ou public, sur le fait qu’il ne suffit pas d’avoir une idée de projet. Il faut la clarifier et la recadrer en la replaçant dans son contexte. Il s’agit entre autres d’analyser des éléments comme une certification ou la décarbonation, de sélectionner les bons talents et bonnes équipes pour passer de l’idée au projet construit, et de faire ensuite en sorte que tout le monde soit conscient de ce qu’il doit faire et quand. »
T. D. R. : « Souvent, on a tendance à sous-estimer certaines évolutions, comme celle des réglementations pour obtenir un permis, devenues beaucoup plus compliquées. Le focus est aussi bien plus important sur les questions de mobilité, la gestion des réseaux bleus et des réseaux verts ou encore les aspects liés à la diversité des usages d’un bâtiment. Auparavant, on construisait par exemple souvent des bâtiments uniquement destinés à des bureaux, alors qu’aujourd’hui, les demandes pour des bâtiments à usage mixte sont plus nombreuses. Tout cela a des impacts, souvent sous-estimés, sur le nombre de consultants et le coût de la construction. »
E. D. : « Certains maîtres d’œuvre pensent encore pouvoir construire en fonction d’un certain coût ‘historique’ par mètre carré. C’est de plus en plus irréaliste, vu la conjoncture, le nombre d’intervenants, les obligations par rapport aux matériaux, les variation des taux d’intérêt, etc. »
Pouvez-vous illustrer tout cela par un exemple de projet ?
T. D. R. : « Prenons le projet de rénovation Loom, situé rue de la Loi, à Bruxelles. À l’origine, il s’agissait uniquement de bureaux. À présent, on y assignera des usages mixtes sur environ 24.000 m², avec notamment du logement et un rez-de-chaussée partiellement accessible au public. L’intérieur de l’îlot sera une magnifique cour-jardin avec un plan d’eau. Ce sera une véritable oasis qui servira de lieu d’étape pour les oiseaux entre le Parc de Bruxelles et celui du Cinquantenaire ; ils pourront s’y épanouir en harmonie les humains, la nature et les animaux. Tout cela nécessite bien sûr l’apport de nombreux spécialistes. D’autant plus que nous voulons en faire un projet exemplaire, avec un score maximal en termes de durabilité, y compris de circularité. Nous avons par exemple fait l’exercice de savoir dans quelle mesure tous les matériaux actuels du bâtiment sont récupérables ou non. On a ainsi déterminé que les normes actuelles ne permettaient pas de récupérer les pierres de façade pour le même usage ; en revanche, elles peuvent être enlevées et transformées en un granito qui servira pour de nouveaux parements de façade et revêtements de sol pour ce projet. »
Comment voyez-vous l’avenir de votre secteur ?
T. D. R. : « Pour les grands projets complexes, il y’a aujourd’hui tant d’influences qui s’entrecroisent que notre rôle est devenu crucial pour les mener à bonne fin. À Bruxelles, par exemple, il y a de trop nombreuses places de parking dans les bâtiments de bureau actuels. Elles pourront être converties à d’autres usages, notamment des bassins de diversion et des bassins d’orage. La Ville de Bruxelles est également demandeuse de nouveaux espaces de pleine terre au milieu des îlots de bâtiments. Ce sont là des défis auxquels on peut répondre mais qui exigent beaucoup de coordination entre consultants. »