Essentiellement active dans la promotion immobilière, Inside Development s’intéresse notamment à des bâtiments anciens de prestige, parfois classés. Leur rénovation aux normes actuelles pose de sérieux défis. Carlos de Meester, son CEO, nous en donne les détails.
Quelle difficulté rencontre-t-on dans la rénovation des anciens bâtiments ?
Carlos de Meester : « Lorsqu’on rénove d’anciens bâtiments comme des églises ou des pensionnats, le défi est d’en préserver les belles architectures, tout en les rendant énergétiquement plus efficients. On est face à une dualité : la nécessité des économies d’énergie et le respect du patrimoine. D’un côté, il y a la volonté du public ou des pouvoirs publics d’obtenir un PEB (Performance énergétique des bâtiments) de haute qualité ; de l’autre, il y a les directives de la Commission des monuments et sites, qui imposent, à juste titre, qu’on préserve les bâtiments et qu’on ne fasse pas n’importe quoi. »
Ces deux objectifs sont-ils conciliables?
C. d. M. : « Bien souvent, dans l’état actuel des choses, ils ne le sont pas. Prenons l’Hôtel Solvay, un chef-d’œuvre de Victor Horta situé à Bruxelles : vous pouvez faire ce que vous voulez, vous ne le rendrez jamais énergétiquement efficient, sans quoi vous le saccageriez. Quand vous rénovez un très beau bâtiment ancien, vous ne pouvez pas l’isoler par l’extérieur ; si vous désirez l’isoler par l’intérieur, vous détruisez l’ensemble des décors. Obtenir un PEB élevé tout en gardant le charme d’un bâtiment ancien, c’est donc très compliqué. Avec une difficulté supplémentaire : il n’est pas toujours évident de calculer les performances d’un ancien bâtiment vu certaines caractéristiques comme l’épaisseur et le matériau de ses murs. »
Pouvez-vous illustrer ces difficultés par un exemple ?
C. d. M. : « En ce moment, nous finalisons à Bruxelles la rénovation de l’immeuble Belle Époque, qui fait le coin de l’avenue de Tervueren et de l’avenue des Celtes. C’est un très beau bâtiment avec un axe de vue dégagée jusqu’au Cinquantenaire. Bien que d’un style différent, il est contemporain de ces immeubles de style hausmannien qu’on trouve par exemple en France. Il comprend notamment un toit surmonté d’un petit dôme, avec toutes les caractéristiques privilégiées par Léopold II pour les belles avenues de la capitale. À l’origine, c’était un immeuble de logements, qui accueillait aussi des commerces au rez-de-chaussée et un espace de bureau dans un entresol.
Obtenir un PEB élevé tout en gardant le charme d’un bâtiment ancien est extrêmement compliqué.
Malheureusement, comme beaucoup de beaux bâtiments bruxellois, il a été complètement ‘cannibalisé’ pour devenir un immeuble de bureaux. Nous le réaffectons afin d’obtenir cinq commerces, un étage de bureaux et dix-neuf appartements. À cela s’ajoutent également des parkings accessibles directement via la rue des Francs. Vu l’âge de l’immeuble, nous avons été confrontés à pas mal de difficultés. Toutefois, le chantier en cours devrait être terminé le mois prochain avec un très beau résultat final. »
Les normes PEB ne devraient-elles pas cependant être assouplies pour ce type de bâtiments ?
C. d. M. : « Il faudra arriver à en débattre à très court terme. J’espère aussi que les pouvoirs publics associeront les promoteurs à cette réflexion sur les arbitrages entre ces exigences : que fait-on passer d’abord et comment ? On peut certainement obtenir des bâtiments très efficients dans certains cas, mais, dans d’autres cas, des dérogations seraient nécessaires. Il n’est par exemple pas envisageable de mettre des faux plafonds à 2,80 mètres de hauteur dans une pièce qui en fait 4, notamment s’il y a des moulures qu’il faut préserver. Il faut vraiment parvenir à trouver un ‘compromis à la belge’ ! Jusqu’où peut-on aller pour isoler une toiture, mettre des châssis plus efficients et des systèmes de chauffage plus efficaces sans dénaturer un bâtiment ? »
Quels conseils donnez-vous à celui qui désire se lancer dans un tel projet de rénovation ?
C. d. M. : « Ce type de projet réclame beaucoup d’études et de recherches. Mon conseil est dès lors de travailler avec des bureaux spécialisés afin d’établir tout l’historique du bâtiment. Quand les permis sont difficiles à obtenir, je préconise aussi de faire appel à un bureau d’avocats urbanistiques. Quand on se lance dans un tel projet, il faut aussi impliquer le plus tôt possible des conseillers PEB, en les associant aux architectes, afin d’évaluer l’impact, financier notamment, de telle ou telle idée, la manière de la mettre en œuvre et de déterminer les primes éventuelles qu’on peut solliciter. »
À quoi s’expose-t-on si on ne le fait pas ?
C. d. M. : « Si vous lancez des travaux sans vous préoccuper du PEB, vous risquez d’être confronté à des situations où vous ne pourrez plus corriger le tir par rapport à des travaux déjà réalisés. De manière générale, cela vaut la peine d’établir un plan quinquennal voire décennal pour tout immeuble de ce type. Ceci permet de lister tous les éléments susceptibles d’amélioration et de définir comment on s’y prendra, dans quels délais, avec quels coûts et quelles économies potentielles. »