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Agriculteurs belges : où est la relève ?

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À l’heure actuelle en Belgique, moins de 6 % des agriculteurs ont moins de trente-cinq ans. La question du renouvellement générationnel dans le métier est donc plus que jamais sur la table. Rencontre avec Marianne Streel et José Renard, respectivement Présidente et Secrétaire Général de la Fédération Wallonne de l’Agriculture.

Texte : Maria-Laetitia Mattern

Marianne Streel et José Renard, respectivement Présidente et Secrétaire Général de la Fédération Wallonne de l’Agriculture

Un contexte économique en dents de scie, des investissements lourds, un travail pénible : les barrières à l’entrée sont nombreuses pour l’agriculteur en devenir. Or le secteur a plus que jamais besoin d’une nouvelle génération de passionnés pour prendre la relève. « La moyenne d’âge de l’agriculteur en Wallonie est de 58 ans », affirme Marianne Streel. « La reprise d’exploitation est un véritable problème sur notre territoire : 44 % des agriculteurs de plus de 50 ans disent ne pas avoir de repreneurs, et 35 % ne sont pas certains d’en avoir un. Cela génère donc de grandes incertitudes pour l’avenir. »

Quelle agriculture demain ?

« La question n’est pas uniquement la reprise des exploitations, mais aussi : vers quel modèle agricole allons-nous pour demain ? », ajoute Marianne Streel. « 85 % de la main d’œuvre qui travaille sur nos exploitations aujourd’hui est familiale. Aurons-nous encore une agriculture familiale demain ? Vers quel autre modèle allons-nous ? Il n’y a aucune obligation à ce que ce soit un enfant d’agriculteur qui reprenne son exploitation : le problème est plus large que ça. Il faut un repreneur passionné, bien formé, même s’il n’est pas issu du monde agricole. »

Un investissement lourd

Pourquoi le métier manque-t-il d’attractivité aujourd’hui ? « Avant tout, pour des raisons économiques », affirme José Renard. « Une exploitation agricole, c’est un capital extrêmement important, un coût de reprise élevé. L’investissement est considérable et le temps de retour est particulièrement long. Donc pour amortir ces investissements, il faut des certitudes. Or, ces certitudes ne sont plus là aujourd’hui. Parce que la politique européenne change tous les 4-5 ans, qu’il est donc très difficile de se projeter dans le futur. Mais aussi parce que les revenus sont incertains. »

44 % des agriculteurs de plus de 50 ans disent ne pas avoir de repreneurs, et 35 % ne sont pas certains d’en avoir un.

« Enfin, dans une région aussi densément peuplée que la Wallonie, l’aménagement du territoire n’est pas toujours tendre avec l’agriculture. On a tendance à considérer la surface agricole comme la réserve foncière dans laquelle on peut aller piocher pour des besoins d’infrastructures, de logements, de voies de communication, etc. La terre est devenue inaccessible, les prix explosent et c’est un frein pour le jeune qui veut se lancer. »

Un beau métier mal compris

« Le deuxième obstacle est d’ordre social », ajoute Marianne Streel. « L’image du métier d’agriculteur s’est dégradée dans notre société. Nous produisons de l’alimentation – la base de la vie de tout un chacun – mais le lien avec le citoyen et les politiques tend à s’amenuiser. Pourtant, notre métier est très encadré au niveau législatif, très contrôlé et sanctionné en cas de manquement à une règle, notre professionnalisme augmente, nos pratiques s’adaptent sans cesse et malgré cela, on a parfois l’impression que l’image du secteur se dégrade. Il s’agit également d’un métier pénible, avec une importante charge de travail et de stress. »

« Tout cela génère une perte de lien avec la population et une incompréhension entre ce que nous faisons, comment nous le faisons, et les attentes des citoyens. La durabilité est sans aucun doute une priorité pour le monde agricole actuel », insiste Marianne Streel, « mais ces exigences doivent être réalistes et réalisables. Or aujourd’hui, elles sont souvent déconnectées des réalités du métier. Il est important de souligner les efforts déjà réalisés par notre secteur – et surtout, de lui donner les moyens de s’améliorer. »

Lueur d’espoir

Dans le secteur agricole, la recherche et les innovations technologiques représentent une réelle lueur d’espoir. « Il ne faut pas s’imaginer que les machines font le travail à notre place pendant qu’on se tourne les pouces », affirme Marianne Streel. « Mais ces innovations permettent de diminuer la pénibilité du travail, de répondre à l’indispensable exigence de durabilité tout en garantissant des processus efficaces et rentables. Le métier d’agriculteur évolue tous les jours, et nous sommes toujours très demandeurs de nouvelles alternatives plus durables. Notre métier se pratique mieux qu’hier et moins bien que demain. »

La formation est un autre pôle indispensable de cette évolution. Et pour cause, « traditionnellement, la transmission d’exploitation se faisait dans un cadre familial », explique José Renard. « Mais aujourd’hui, on voit de plus en plus de jeunes qui ne sont pas issus du monde agricole et qui arrivent avec des projets parfois bien pensés et bien mûris. Il faut aussi trouver des solutions pour ces jeunes-là. Pour tous les candidats agriculteurs, il est indispensable de les accompagner, leur proposer une formation solide au métier complexe d’agriculteur. Sans oublier l’accompagnement des cédants, pour veiller à ce que la passation soit une réussite. » 

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