Avec son économie ouverte et son marché local restreint, la Wallonie n’a pas le choix : l’export est vital pour son développement socioéconomique. Pascale Delcomminette, Administratrice générale de l’Agence wallonne à l’exportation et aux Investissements étrangers (AWEX), nous détaille les actions menées en faveur des entreprises dans un environnement géopolitique chahuté.
Pascale Delcomminette
Administratrice générale de l’Agence wallonne à l’exportation et aux Investissements étrangers (AWEX)
Quelles sont vos missions ?
Pascale Delcomminette : « La mission de l’AWEX est double : accompagner les entreprises wallonnes dans leurs démarches d’internationalisation et inciter les investisseurs étrangers à développer des activités en Wallonie. Nous l’assurons via quatre piliers : l’accompagnement par des équipes de proximité en Wallonie et un réseau de conseillers à l’étranger ; un programme d’actions annuel – missions à l’étranger, participation à des foires et salons, organisation de conférences, etc. ; des incitants financiers qui couvrent toutes les phases du processus d’internationalisation ; des actions de formation et de stages pour les jeunes diplômés et les chercheurs d’emploi (Explort). Pour 2025, nous avons planifié 150 actions. Notre région a besoin d’international comme de pain : nos entreprises réalisent 70 % de leur valeur ajoutée à l’international. C’est bien plus élevé que les 40 % de moyenne dans l’UE. »
Quelle est l’efficacité des aides publiques?
Pa. D. : « Beaucoup d’éléments exogènes interviennent dans les résultats à l’exportation, mais nous voulons mieux connaître l’impact de nos dispositifs. Selon les résultats préliminaires d’une enquête de l’ITC, une agence de l’ONU, 1 euro public investi génère 225 euros d’exportations supplémentaires. Autres chiffres intéressants : chaque année, entre 250 et 300 entreprises wallonnes deviennent de nouveaux clients et à peu près le même nombre réalisent leur première exportation. Selon la BNB, 90 % des exportations wallonnes sont issues de nos entreprises clientes. »
La Wallonie a besoin d’international comme de pain : nos entreprises réalisent 70 % de leur valeur ajoutée à l’international.
Quels défis entrevoyez-vous pour2025?
Pa. D. : « Aux défis issus de la pandémie depuis 2020 et à ceux de la crise climatique, s’ajoutent désormais les tensions géopolitiques et les conflits, les tensions sino-américaines, etc. Ces crises sont corrélées avec une forte hausse du prix des matières premières et de l’énergie, et la perturbation des chaînes d’approvisionnement internationales. Et évidemment, la montée du protectionnisme et l’émergence de deux blocs géopolitiques entre lesquels les échanges commerciaux diminuent. Selon le dernier baromètre de Credendo, 54 % des entreprises citent aujourd’hui toutes ces tensions comme le premier frein au commerce international, contre 44 % un an avant. Le volume du commerce international s’est globalement contracté de 4,6 % en 2023. C’est loin d’être anodin, d’autant plus dans un contexte de fragilité de l’économie européenne mise en exergue récemment par le rapport Draghi. »
Comment aidez-vous les entreprises dans ce contexte ?
Pa. D. : « Nous devons rendre nos entreprises plus robustes. Nous avons adapté notre mécanisme de soutien financier pour le rendre plus agile, nous travaillons avec les entreprises sur les chaînes de valeur stratégiques pour renforcer leur position sur l’échiquier international (recyclage des plastiques, thérapies géniques et cellulaires, medtechs, etc.) et nous favorisons la plus grande diversification géographique possible des exportations pour réduire leur dépendance à des régions dont l’accès pourrait être plus difficile demain. Nous les amenons à revoir leur stratégie pour minimiser les risques. L’ère de l’exportation pure et simple est révolue. Les entreprises doivent développer de nouveaux modes de déploiement, comme l’insertion dans des réseaux, des partenariats entre fournisseurs et clients, la création de succursales étrangères et l’action conjointe avec des entreprises complémentaires. »
1 euro public investi génère 225 euros d’exportations supplémentaires.
Réindustrialiser l’économie européenne est aussi une priorité. Quel rôle remplissez-vous ici ?
Pa. D. : « Nous travaillons par exemple avec une entreprise du secteur des cosmétiques implantée en Asie. Elle souhaite rapatrier sa production au sein de l’UE pour diverses raisons : les risques géopolitiques, les risques en termes de qualité, les raisons liées au time-to-market, l’empreinte carbone de son activité. Nous travaillons avec cette société pour optimiser une réimplantation en Europe. Autre exemple : l’AWEX collabore avec les entreprises sur les programmes de résilience stratégique définis au niveau de la Commission européenne. Notre agence aide les entreprises wallonnes à définir leurs besoins en termes de matières premières et à identifier de nouveaux fournisseurs éventuels. Nous repérons aussi les maillons manquants pour mettre en place des stratégies visant à renforcer et attirer de nouveaux acteurs clés et à assurer la robustesse de notre économie. Dans toutes ces actions, l’accompagnement humain est primordial ; il constitue notre principale valeur ajoutée. »