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Pouvoir de la Wallonie

L’ancrage wallon de l’innovation numérique

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Pierre-Yves Jeholet, Ministre wallon du Numérique, et Emmanuel Mewissen, co-fondateur d’Ardent Group et CEO de Gaming1 (leader sur le marché belge des jeux de hasard), échangent sur l’importance d’un écosystème numérique wallon solide et responsable.

Pierre-Yves Jeholet

Ministre wallon du Numérique

Emmanuel Mewissen

co-fondateur d’Ardent Group et CEO de Gaming1

La Wallonie veut se positionner comme une terre d’innovation et de savoir-faire numérique. Comment renforcer cet ancrage local, tout en restant compétitif à l’international ?

Pierre-Yves Jeholet : « L’innovation est indispensable pour la compétitivité de nos entreprises. Elle passe par la technologie, mais aussi par le fait d’avoir un territoire attractif, un coût du travail raisonnable… La Wallonie ne peut pas tout faire seule, elle dépend des mesures européennes et du fédéral, ainsi que d’un contexte géopolitique international concurrentiel. Il convient donc de fixer pour les entreprises un cadre idéal, mais aussi de développer des talents via la formation, et ensuite de garder ces talents en leur donnant l’opportunité de se déployer. »

Emmanuel Mewissen : « L’innovation, c’est le bout de la chaîne. La grande réflexion qui doit être menée par les politiques, les universités et les entrepreneurs, c’est comment créer un écosystème vertueux qui, un jour, va déboucher sur de l’innovation. La formation est évidemment très importante, mais aussi les fondations offertes aux entreprises pour faire de la recherche et investir, ainsi que la fierté de réussir qui va stimuler d’autant plus l’envie d’entreprendre. Sans ces piliers-là, pas d’écosystème vertueux. »

Pierre-Yves Jeholet : « On a besoin d’investisseurs qui osent entreprendre, qui prennent des risques, la réussite passant par l’innovation. Le fait de créer davantage de synergies entre les différents acteurs permet de développer de l’activité et de la croissance. Par ailleurs, les métiers ont fortement évolué : dans un secteur comme la construction, par exemple, la digitalisation a pris une place importante. La formation doit donc aussi s’adapter aux métiers et aux défis de demain. »

Emmanuel Mewissen : « Gaming1 fait partie du Top 50 du secteur à l’échelle internationale. Au sein du groupe Ardent, notre volonté est d’être un centre d’excellence ancré à Liège et en Wallonie, parmi les meilleurs en Europe. Car un centre d’excellence attire les meilleurs talents et parvient à les conserver. Sans excellence, il n’y a pas d’innovation. Attirer un maximum de talents wallons, belges, mais aussi à l’étranger : aujourd’hui, les entreprises spécialisées dans le digital n’ont plus de frontière. Le succès de la Silicon Valley parle de lui-même, avec tous les talents internationaux qui y travaillent, au point d’avoir accaparé une partie de la matière grise européenne. »

Pierre-Yves Jeholet : « L’excellence doit être un leitmotiv. La Wallonie doit être ambitieuse et a besoin de cette ambition. Les politiques ont un rôle à jouer, mais les entrepreneurs constituent la clé du succès et du développement de la Wallonie. »

Parallèlement, la digitalisation soulève aussi des questions éthiques et sociétales. Comment arriver à cet équilibre entre innovation technologique et consommation responsable ?

Emmanuel Mewissen : « Nous vivons dans un monde de plus en plus compétitif. La politique en la matière doit être conduite, d’une part, par le monde de la science et les datas, mais, d’autre part aussi, par une forme de justice sociale. Il n’est pas normal qu’en tant qu’entrepreneur, vous soyez pénalisé par rapport à des acteurs illégaux (ndlr : qui n’ont pas les licences pour opérer en Belgique). Ça met tout notre écosystème en danger. Dès lors, comment fait-on pour garantir l’éthique, d’autant plus par rapport aux plus jeunes, qui grandissent avec le digital? Comment répondre à une certaine vision de la société solidaire que l’on souhaite, tout en construisant un écosystème compétitif, en permettant à nos entreprises de se développer pour devenir des leaders à l’international? Sans dialogue sur ce sujet avec les différents acteurs concernés, rien n’est possible. »

Pierre-Yves Jeholet : « Je partage entièrement cet avis. On peut fixer un cadre au niveau belge et régional, mais ces matières n’ont pas de frontières, on dépend donc aussi d’un cadre européen et international. La technologie a toujours été vecteur de progrès et l’évolution technologique est beaucoup plus rapide aujourd’hui que par le passé. Il faut donc pouvoir vivre avec son temps et entendre les entreprises qui souhaitent investir dans la robotisation pour rester concurrentielles. Je ne crois pas aux discours alarmistes affirmant que l’intelligence artificielle va faire disparaître 75 % des emplois. Elle les fera évoluer, certes, mais le but du progrès est précisément de nous faire vivre mieux demain. Bien entendu, cela entraîne aussi des défis et des balises éthiques à implémenter par rapport à la protection des données, aux assuétudes envers les réseaux sociaux et l’usage que l’on en fait. Mais ne voir que les éventuels aspects négatifs et faire le procès de la technologie n’a guère de sens. »

Justement, dans le secteur du gaming, l’intelligence artificielle peut permettre de détecter les comportements addictifs ?

Emmanuel Mewissen : « L’intelligence artificielle, c’est avant tout la capacité de collecter, classer et analyser des données en temps réel pour en dégager une réelle valeur ajoutée. Chez Gaming1, cette démarche est incarnée par notre outil ROBIN (Responsible Online Behavior Indicators), qui combine innovation et excellence technologique digitale. Ce programme s’appuie sur l’IA, l’expertise de nos data analysts et la collaboration scientifique du département de psychologie de l’université de Liège, ainsi que de la recherche fondamentale avec l’université de Bruxelles sur la détection comportementale. ROBIN évalue le niveau de risque des joueurs en fonction de l’évolution de leurs comportements. Lorsque cela s’avère nécessaire, il génère des messages d’abord automatisés puis personnalisés, et met à disposition une série d’outils d’auto-modération. Le joueur reste toujours libre d’activer lui-même ces mesures, mais des restrictions ciblées peuvent être appliquées lorsque la situation l’impose. Nous sommes particulièrement fiers de cet investissement en recherche appliquée, qui vise à promouvoir une consommation digitale responsable grâce à une utilisation éthique de l’intelligence artificielle. »

Parallèlement, une certaine régulation reste nécessaire : un Belge sur 4 joue sur des sites illégaux.

Emmanuel Mewissen : « En 2023, nos développeurs ont passé 75 % de leur temps à s’occuper de régulation et 25 % à faire leur métier. On comprend donc parfaitement que ceux qui n’ont pas de régulation avancent infiniment plus vite que nous, ce qui affaiblit notre produit et nous mène tout droit à une impasse. Notre demande est donc de pouvoir développer un produit compétitif, tout en ayant la mission et l’obligation légale d’implémenter ces produits de façon responsable. Atteindre cet objectif contribuera à garder ce lien social et à conserver des entreprises numériques compétitives en Wallonie. »

Pierre-Yves Jeholet : « Un tel cadre réglementaire doit permettre de développer une activité forte, innovante, ambitieuse et d’excellence en Wallonie. Le numérique est un facteur d’innovation-clé dans tous les secteurs et doit être intégré dans tous les apprentissages, y compris dès le plus jeune âge. » 

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