De prime abord, associer les termes « cleantech » et « extraction de pierre » semble antinomique. C’est pourtant le défi que relèvent Olivier Bontems, Directeur d’IDETA, et son service Énergie et solutions durables. Active en Wallonie picarde, l’intercommunale accompagne désormais les géants wallons de la terre et de la pierre – cimentiers, briquetiers, carriers – vers une décarbonation massive.

Olivier Bontems
Directeur d’IDETA
Le virage stratégique de l’agence de développement territorial IDETA s’incarne dans l’écosystème MC² – Mineral Circular Centre. « Cette initiative vise à renforcer la circularité et la réduction de l’empreinte carbone des matériaux minéraux. Un ciment vert reste bien sûr du ciment, mais son impact carbone peut être drastiquement réduit », résume notre interlocuteur. « Pour y parvenir, l’agence travaille sur trois axes avec les industriels : l’optimisation des produits, l’amélioration des processus ainsi que la capture du carbone. »
Optimiser les ressources et les processus
Le premier levier de cet écosystème repose sur la circularité. « L’objectif est de valoriser l‘ensemble de la matière extraite. Si l’on parvient à utiliser des sous-produits de carrière, qui étaient jusqu’alors non valorisés pour d’autres applications industrielles, on réduit mécaniquement l’impact carbone de la tonne extraite », explique Olivier Bontems.
Le second axe concerne l’optimisation des processus industriels. « Cela passe par l’électrification, le passage transitoire du charbon vers le gaz naturel, mais aussi par l’industrie 4.0. IDETA soutient ainsi la mise en place de jumeaux numériques dans les carrières. Ces modélisations virtuelles permettent aux industriels d’optimiser l’exploitation de leur gisement, de gagner en efficacité, de réduire la consommation énergétique et de gagner en efficacité. »
Cependant, dans l’industrie cimentière, l’optimisation a ses limites. « Le secteur représente environ 32 % des émissions industrielles wallonnes, soit près de 4 millions de tonnes de CO2 par an. Une grande partie de ces émissions est dite ‘fatale’. 70 % du CO2 émis par une cimenterie ne vient pas du combustible, mais de la réaction chimique nécessaire à la transformation de la pierre en clinker », précise Olivier Bontems. Même en décarbonant totalement l’énergie, le processus reste donc émetteur. La seule solution restante est technologique : la capture du carbone.
Anthemis, le vaisseau amiral de la décarbonation
C’est ici qu’intervient le projet phare de la région : Anthemis. Porté par Heidelberg Materials sur son site d’Antoing, ce projet vient d’être validé par les Fonds d’innovation européens et le Fonds pour une transition juste. L’ambition est titanesque : installer une unité de capture de carbone capable de traiter les fumées de la cimenterie pour en extraire le CO2 avant qu’il ne soit relâché dans l’atmosphère.
« Anthemis marque une étape décisive pour notre industrie : capter plus de 95 % des émissions du site d’Antoing et bâtir une chaîne complète pour le CO2. Bien plus qu’un projet industriel, c’est une solution structurante pour la Wallonie, alliant compétitivité, innovation et réduction massive des émissions, afin d’accélérer la décarbonation en Belgique et en Europe », précise Frédéricq Peigneux, Head of Public Affairs Heidelberg Materials Benelux.
« On ne met pas un ‘bouchon sur la cheminée’, mais on fait passer le flux de fumée dans un processus complexe qui va rejeter un air quasi exempt de CO2 », détaille Olivier Bontems. Les chiffres donnent le vertige : 800.000 tonnes de CO2 seront capturées annuellement dès la mise en service, prévue à l’horizon 2029-2030. Ce projet traitera une part significative des émissions du secteur.
Avec un investissement avoisinant le demi-milliard d’euros, Anthemis ne se contente pas d’être une prouesse en matière de cleantech : « C’est un projet industriel structurant pour le territoire. Il assure la pérennité d’une activité essentielle – car nous aurons toujours besoin de béton pour construire et rénover -, tout en positionnant la Wallonie picarde à la pointe de l’innovation technologique européenne grâce à Heidelberg Materials », se réjouit le directeur.
IDETA, facilitateur et agrégateur d’énergie
Dans ce dossier complexe, IDETA a pour mission première l’accompagnement dans les procédures de permis et la sensibilisation des parties prenantes. « Il s’agit entre autres de faire comprendre au grand public et aux riverains l’importance socio-économique et environnementale de telles infrastructures. »
Par ailleurs, ces nouvelles industries décarbonées étant gourmandes en électricité verte, « l’agence en facilite l’accès via des Power Purchase Agreements (PPA) ; elle regroupe les besoins de plusieurs industriels au sein d’une communauté d’énergie pour négocier l’accès à la production de parcs éoliens, chose qu’un industriel isolé peinerait à faire s’il n’a pas la capacité d’absorber toute la production d’une éolienne. »
Entre circularité, numérisation et capture de carbone, la Wallonie picarde, sous l’impulsion d’acteurs comme IDETA et Heidelberg Materials, est en passe de devenir un laboratoire grandeur nature de l’industrie du futur : une industrie lourde, ancrée dans son territoire, mais libérée de son poids carbone.