L’évolution rapide du secteur de la construction nécessite de nouvelles compétences. Dans un contexte de guerre des talents, Michael Dumbi, Fondateur et Gérant de EOX Construction, et Grégory Losson, Co-Fondateur et Gérant d’Archibald, plaident pour des solutions RH plus flexibles.
Texte : Philippe Van Lil
Grégory Losson
Co-Fondateur et Gérant
Archibald
Michael Dumbi
Fondateur et Gérant
EOX Construction
Quel est l’impact des nouvelles normes environnementales européennes sur votre secteur ?
Grégory Losson : « La composante environnementale fait clairement partie aujourd’hui de la donne de nos clients promoteurs immobilier. Cette démarche de construire plus vert n’est pas tant motivée par la volonté de suivre les nouvelles directives européennes mais surtout de répondre aux attentes des acquéreurs finaux. »
« Ceux-ci sont de plus en plus attentifs à ces aspects environnementaux. Face à cela, nous sommes davantage sollicités pour la recherche de nouveaux profils assez spécialisés en la matière. »
De nos jours, les travailleurs de la construction n’ont plus l’intention de rester durant toute leur carrière au sein d’une même entreprise.
Michael Dumbi : « C’est d’autant plus difficile que la Belgique a l’un des parcs immobiliers les plus vétustes d’Europe. Beaucoup de bâtiments sont en outre laissés à l’abandon ou inoccupés. Tout cela exige aussi désormais beaucoup de rénovations ainsi que de nouveaux profils, notamment dans les métiers liés aux études énergétiques des bâtiments. »
Avec quelles conséquences au niveau des recrutements ?
G. L. : « Il n’est pas toujours aisé de trouver ces profils. Les sujets en matière d’environnement et de durabilité sont de plus en plus vastes et se complexifient d’année en année. Je suis convaincu qu’à l’avenir, seuls les bureaux de recrutement spécialisés pourront répondre au mieux à la demande de métiers spécifiques. Les bureaux généralistes restent malheureusement, par définition, trop généraux en termes de compréhension des besoins réels du client. »
« Il est essentiel de rester en contact avec les clients pour connaître leurs demandes, leurs problématiques, les nouvelles tendances. Les clients doivent aussi veiller à s’entourer de partenaires qui abordent le recrutement de manière humaine au cas par cas et non de façon ‘industrielle’. Mieux vaut privilégier un collaborateur qui partage les valeurs de la société que vouloir embaucher au plus vite et à tout prix ! »
Comment voyez-vous l’avenir du secteur ?
M. D. : « De manière très positive avec plus de 40.000 postes qui devraient être créés d’ici à 2030. Néanmoins, le secteur va devoir se réinventer ! De nos jours, les travailleurs de la construction n’ont plus l’intention de rester durant toute leur carrière au sein d’une même entreprise. Ils sont à la recherche de projets. Passer de projet en projet implique une maîtrise des compétences, de la flexibilité et de l’autonomie. Nombre de travailleurs voudront dès lors passer du statut de salarié à celui d’indépendant ou se mettre en société. »
G. L. : « Le secteur de la construction a en effet une culture de l’employé et des contrats à durée indéterminé. Il évolue cependant déjà progressivement vers plus de profils indépendants. Personnellement, je pense néanmoins que les jeunes travailleurs ont tout intérêt à passer par la case ‘employé’ avant de se lancer seul. En revanche, dans le secteur de l’immobilier, 75 à 80 % des candidats que je place dans des entreprises sont déjà indépendants. Mais c’est ici bien plus pour des raisons fiscales que par la volonté d’être aux commandes de leur activité. »
M. D. : « Depuis deux ans, notre société a lancé une solution digitale qui nous permet de créer un ‘match’ entre, d’une part, les compétences techniques et les valeurs d’un travailleur et, d’autre part, les attentes techniques et les valeurs des entreprises. Ainsi, on gagne du temps dans la sélection ! Notre démarche illustre aussi que le métier RH de la construction évoluera également vers plus de digitalisation et d’intelligence artificielle. »
D’autant plus que la guerre des talents fait rage…
M. D. : « Effectivement ! Et lorsqu’une entreprise fait appel à nous pour trouver un profil, nous recherchons des personnes aux compétences spécifiques déjà employées ailleurs. Pour éviter qu’une entreprise ne perde ces compétences, je plaide par exemple pour l’instauration d’une plateforme collaborative, une sorte d’uberisation des compétences techniques du secteur. »
« Autre possibilité : une charte entre entreprises du secteur, une sorte de ‘Gentlemen’s agreement’, leur permettant de mettre à disposition entre elles des compétences non occupées en interne. Dans une certaine mesure, cela se fait déjà lorsque les entreprises sont en ‘sociétés momentanées’. De telles mesures sont d’autant plus nécessaires que le secteur peine à attirer les jeunes en raison du trop faible nombre de diplômés. »
« À mon sens, c’est la responsabilité du politique et des acteurs de la construction de promouvoir le secteur et de mettre à disposition plus de moyens pour attirer les jeunes. De même, fournir un suivi plus appuyé des jeunes stagiaires en entreprise permettrait de les guider au mieux vers les fonctions et entreprises appropriées pour eux… et vice versa ! »