Sabrina Ritossa Fernandez
Analyste et spécialiste Environmental & Social Governance
Sycomore Asset Management
Les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) attirent de plus en plus d’investisseurs. Ils permettent aussi d’encourager les bonnes pratiques au sein des entreprises. Sabrina Ritossa Fernandez nous en détaille les principes de fonctionnement.
Quelle est votre approche de l’ISR ?
« Une entreprise ne peut créer de la valeur sur le long terme que si cette dernière est répartie de manière équilibrée entre les parties prenantes : la société, les fournisseurs, les investisseurs, les clients… et l’environnement ! C’est pourquoi, pour tout investissement, nous analysons l’impact que l’entreprise a sur ces divers aspects. Nous incitons ainsi les entreprises à adopter un comportement vertueux. »
Comment vous en assurez-vous ?
« Nous cherchons à approfondir notre analyse en interrogeant les différentes parties prenantes et en constatant l’impact de l’entreprise sur le capital naturel et la société dans son ensemble. Nous regardons également un certain nombre d’indicateurs aujourd’hui accessibles dans les publications réglementaires des entreprises cotées. »
Quelle place occupent le capital humain et le bien-être au travail dans votre démarche ?
« Elle est essentielle. Depuis 2015, nous disposons d’un fonds d’investissement spécifiquement lié au bien-être au travail. Il est né d’un constat simple mais crucial : le capital humain est l’un des premiers vecteurs de performance d’une entreprise. »
« Sur les marchés financiers, on oublie souvent que lorsqu’on investit dans une entreprise, on investit avant tout dans des gens ! Ce fonds est dès lors focalisé sur l’épanouissement des collaborateurs au travail. En pratique, pour chaque entreprise, nous identifions avec précision cinq dimensions clés dans la gestion du capital humain. »
Lesquelles ?
« Un : le sens qu’une entreprise donne aux missions confiées aux salariés. Ce point entre particulièrement dans la liste des priorités des jeunes, des Millennials. »
« Deux : l’autonomie accordée aux collaborateurs. Peuvent-ils apporter des idées et des projets ? Leurs opinions sont-elles écoutées ? L’entreprise est-elle en gouvernance participative ? »
« Trois : les compétences. L’entreprise assure-t-elle l’employabilité, la formation, les perspectives de carrière des collaborateurs ? Ceci est très important, spécifiquement en période de transition digitale. »
« Quatre : les relations de travail et le climat social. Qu’en est-il du turnover, des relations avec les syndicats, du cadre de travail ? »
« Cinq : l’équité. Ce dernier point se décline sous de multiples aspects : équité en termes de genre, de culture, de handicap, de rémunération. Cela passe, par exemple par l’intéressement des salariés au capital, ce qui permet de créer un lien fort entre le collaborateur et l’entreprise. »
Depuis 2015, nous disposons d’un fonds d’investissement spécifiquement lié au bien-être au travail.
Est-il facile d’obtenir ces informations ?
« Non. Il est donc important que nous confortions notre analyse avec une série d’éléments : la vision et la communication des dirigeants d’entreprise, notre accès à un réseau d’experts, les visites que nous effectuons sur site, etc. Par exemple, nous visitons quasiment toutes les entreprises françaises présentes dans notre fonds et, chaque année, le nombre de sociétés visitées à l’étranger augmente. Nous contactons également d’anciens employés qui ont passé beaucoup de temps dans les entreprises que nous ciblons pour recueillir leur vision ‘de l‘intérieur‘. »
Un exemple concret de visite d’entreprise ?
« Nous sommes partis aux États-Unis rendre visite à une entreprise du secteur financier, que nous avons intégrée dans notre portefeuille. À l’accueil, la réceptionniste nous a confié spontanément avoir entamé un projet pour réduire les coûts du papier et du matériel de bureau. Cela démontrait d’emblée que l’entreprise laissait à tous ses employés le droit de prendre des initiatives. Cette société avait en outre un taux de promotion interne très élevé, une forte mobilité entre les différents métiers et offrait un accès important des femmes aux postes de management. »
Ce fonds bénéficie du label ISR et du label Towards Sustainability. Quelles garanties offrent-ils ?
« La garantie du label français ISR porte sur les méthodes. L’auditeur vérifie notre taux de sélectivité des entreprises et la qualité de nos analyses. Le label belge Towards Sustainability, quant à lui, est un peu plus exigeant car il incorpore des garanties relatives à certains secteurs en portefeuille. Il vérifie par exemple qu’il n’y a pas d’entreprises exposées au charbon. »
Ce type de fonds rencontre-t-il du succès ?
« Oui, il y a un intérêt croissant auprès des investisseurs pour cette thématique auparavant peu suivie par la communauté financière. Nous avons d’ailleurs vu émerger d’autres fonds du même type que le nôtre. C’est un signe que cette thématique prend de plus en plus d’ampleur. Je constate aussi cet enthousiasme chez les investisseurs avec qui je partage mon expérience. »