Bruxelles dispose de nombreux atouts, notamment en termes de formation et d’innovation. Comme ailleurs, elle doit néanmoins aussi faire face à de multiples défis, comme la transformation digitale et la mobilité durable. Pour débattre de ces questions, Mediaplanet a réuni, ce 23 février, un panel de sept experts autour des ministre Bernard Clerfayt et Barbara Trachte.
Texte : Philippe Van Lil
Dans quelle mesure la formation répond-elle aux besoins des entreprises bruxelloises ?
Guillaume Boutin : « En tant que fournisseur de services numériques, nous constatons un manque de main-d’œuvre compétente sur le marché de l’emploi dans certains domaines. Or, plus de 600 postes de travail seront créées prochainement pour accompagner le déploiement de notre réseau fibre optique à Bruxelles d’ici à 2026. Pour tenter de pallier cela, nous dépensons 35 millions d’euros par an en formation. L’an dernier, nous avons formé quelque 200 collaborateurs aux métiers du numérique et du digital. À côté de ça, nous avons développé des partenariats avec des centres de formation comme MolenGeek et l’École 19 et nous travaillons avec Actiris, Bruxelles Formation et le VDAB. Toutefois, l’accès aux forces de travail reste insuffisant. Si ce n’était pas le cas, nous pourrions déployer notre infrastructure plus vite, investir davantage et tout cela nous permettrait de combler plus rapidement le retard que la Belgique connaît en matière numérique par rapport à d’autres pays européens. »
Bruno de Thibault : « Une société comme la nôtre est aussi constamment à la recherche de collaborateurs avec des compétences en digitalisation mais aussi des patrouilleurs et des chargés d’assistance. Pour cette dernière catégorie, nous avons allégé depuis des années nos exigences de recrutement, en acceptant par exemple des personnes unilingues. Malgré cela, il est difficile de trouver des gens qui acceptent de travailler en horaires décalés. En été, nous recrutons et formons des saisonniers mais parfois ils nous disent, après 15 jours, qu’ils ne sont plus intéressés. Nous ne sommes donc pas uniquement confrontés à un problème de manque de compétences mais aussi de flexibilité. »
Bruxelles est la région la plus exigeante en termes de demandes de compétences : il est urgent d’y rehausser le niveau de compétences des chercheurs d’emploi.
Bernard Clerfayt : « Bruxelles est la région la plus puissante en termes de formation mais aussi, il est vrai, la plus exigeante en termes de demandes de compétences. Il est urgent de rehausser le niveau de compétences des chercheurs d’emploi, notamment en informatique. Afin de rapprocher la formation des besoins des entreprises, des collaborations sont en place entre les services publics de formation et le privé via les fonds de formation pour travailleurs. Dans la construction, le technique, le digital et la logistique, des pôles formation-emploi définissent les meilleures apprentissages possibles, tant en formation continue que pour les chercheurs d’emploi. »
Vincent Giroul : « Par définition, la formation en alternance est vraiment une plateforme en contact avec les entreprises ; le dispositif pédagogique repose sur un temps de formation en centre de formation et un autre en entreprise. On en a parfois une image tronquée. Tout d’abord, ce type de formation s’adresse aux jeunes à partir de 15 ans mais aussi à un public d’adultes de plus en plus important, y compris ceux en reconversion. Ensuite, au-delà des métiers traditionnels de l’artisanat et du commerce, nous proposons des formations dans pas moins de 92 métiers, dont ceux liés aux services et au numérique ! »
Bernard Clerfayt : « 80 % des jeunes ayant suivi une formation en alternance trouvent un travail immédiatement. Et pour cause : l’alternance permet de tester tout de suite la réalité d’un métier au sein d’une entreprise et à celle-ci de former sur mesure ses futurs collaborateurs. Il faut continuer de mieux soutenir cette filière d’avenir à l’instar de ce qui se fait en Allemagne, en Suisse et en Autriche. »
Laurent Loncke : « Qu’il s’agisse de fonctions généralistes ou expertes, il n’est pas forcément facile de trouver les bonnes personnes sur le marché. Lorsque j’ai pris les rênes de notre société de leasing de véhicules il y a un an, je pensais que pour cette équipe de 425 collaborateurs, il y aurait nombre de mutations internes au sein du groupe bancaire et que les flux de formations et d’engagements se feraient assez naturellement. Ce n’est pas le cas ! Il est dès lors essentiel d’actionner d’autres leviers via des partenariats, ce que nous commençons à faire. Il faut à présent tenter d’avoir un peu plus d’automatisme dans ces partenariats. »
Vincent Giroul : « Aujourd’hui, 7.000 personnes sont inscrites dans notre dispositif de formation en alternance. Toutefois, nous sommes confrontés à un problème majeur : à la mi-janvier dernier, 1.742 personnes cherchaient encore une place de stage ! Je lance ici très clairement un appel aux entreprises bruxelloises pour qu’elles se mobilisent et répondent à la motivation de nos apprenants. »
Philippe Matthis : « Le succès du port repose sur les utilisateurs de la voie d’eau, dont les quelque 200 entreprises portuaires, mais aussi ses 12.000 emplois directs et indirects. Nous sommes acteurs de formation également. Nous avons par exemple un partenariat avec Logisticity, pour accompagner les formations dans les métiers de la logistique, qui font partie de nos activités portuaires. Par ailleurs, au sein de notre société, le personnel bénéficie de plans de formations annuels et nous participons, avec Actiris, à l’engagement de contrats de premier emploi, qui concernent 10 % de nos collaborateurs. Souvent infrascolarisés, ceux-ci jouissent d’une formation durant 30 % de leur temps pendant les deux années de leur contrat ! C’est dire l’attention que nous accordons à la formation. »
Marie-Carmen Bex : « Du point de vue de la recherche et l’innovation, Bruxelles dispose d’une main-d’œuvre très qualifiée relativement importante. Cet élément clé est rendu possible notamment par les multiples partenariats avec les hautes écoles, les universités et les entreprises. Ceci renforce la formation des chercheurs et, à fortiori, les recherches elles-mêmes et le tissu économique bruxellois. Il existe aussi des passerelles entre les différentes recherches que notre organisme finance et les résultats de celles-ci dans les divers domaines économiques et sociaux de la région. »
Barbara Trachte : « La bonne collaboration entre l’ensemble des écosystèmes de l’emploi, de la formation, de l’économie, de la recherche scientifique, etc., est essentielle, tant au niveau du secteur privé que public. Elle est d’autant plus importante en cette période-ci où il y a nécessité de relancer notre économie à la suite des nombreuses pertes d’emploi que nous connaissons à Bruxelles. Je pointe en particulier le secteur de la construction, où les collaborations seront particulièrement intéressantes pour Bruxelles dans les années à venir. Elles permettront à la fois de donner des perspectives en termes d’emploi, de répondre aux défis climatiques – matériaux isolants innovants, etc. – et de réduire la facture énergétique des ménages. Dans ce contexte, on aura besoin, plus que jamais, du secteur de la formation. »
Notre rôle est de trouver un équilibre entre un enseignement solide en termes de contenu et l’acquisition de soft skills comme la créativité, facteur d’innovation.
Emmanuelle Havrenne : « Les hautes écoles de type court proposent une pédagogie pratique et professionnalisante avec la possibilité, au terme d’une formation, soit d’être embauché rapidement, soit de poursuivre dans un deuxième cycle d’études. Nous offrons aussi de la formation continue, nous inscrivant ainsi dans une optique de Life Long Learning. Notre partenariat avec le milieu professionnel revêt diverses formes, dont l’un des aspects majeurs est notre rôle de veille sur les évolutions du marché du travail. Ceci nous permet d’adapter continuellement le contenu des formations, que ce soit en hard ou en soft skills, voire d’en créer de nouvelles. Ce partenariat se traduit aussi via les 15 semaines de stage en entreprise en fin de cycle, via des entreprises qui proposent des sujets de travaux de fin d’études ou via des conférenciers et professeurs associés venant du monde de l’entreprise, etc. Tout cela permet d’être toujours en phase avec les attentes du marché du travail. »
Quelle place l’innovation occupe-t-elle dans l’écosystème bruxellois ?
Aujourd’hui, plus de 30 % des projets que nous soutenons sont le fruit d’une collaboration entre plusieurs acteurs et non plus le fait d’une seule institution.
Marie-Carmen Bex : « Le potentiel de Bruxelles et le nombre d’acteurs sont énormes. Universités, hautes écoles, entreprises, centres de recherche agréés par les fédérations… tout le monde innove ! Chaque année, notre organisme met 50 millions d’euros à disposition du financement de projets de recherche et soutient plus de 300 projets en recherche industrielle. L’évolution la plus marquante est qu’aujourd’hui, plus de 30 % des projets sont le fruit d’une collaboration entre plusieurs acteurs et non plus le fait d’une seule institution. »
Emmanuelle Havrenne : « Au niveau de la formation, l’innovation revêt plusieurs aspects. D’abord, il y a nécessité de trouver un équilibre entre un enseignement suffisamment solide en termes de contenu et l’acquisition de soft skills comme la créativité, facteur d’innovation. Ensuite, en tant qu’institution, nous intégrons, dans nos contenus, les compétences nécessaires notamment en termes de digitalisation et de nouveaux modèles économiques – économie circulaire ou collaborative, e-business, etc. Nous développons aussi de nouvelles formations comme le Business Data Analysist et le marketing des arts et de la culture. L’innovation concerne enfin les pratiques pédagogiques, qui ont dû particulièrement s’adapter depuis un an avec l’enseignement à distance et les plateformes d’e-learning. »
Barbara Trachte : « Bruxelles est reconnue comme leader de l’innovation au niveau européen, avec notamment des entreprises historiques comme Solvay. En ce moment, nous sommes en train de définir, avec l’ensemble de l’écosystème bruxellois de la recherche, les thématiques prioritaires sur lesquels nous allons travailler dans les prochaines années dans le cadre du Plan régional pour l’innovation 2021-2027. Il s’agira des thématiques pour lesquelles Bruxelles dispose déjà d’un avantage compétitif par rapport à d’autres villes ou régions, dont sans doute la mobilité, la digitalisation, la santé et l’aide aux personnes. »
Marie-Carmen Bex : « L’environnement européen de Bruxelles est également une opportunité pour les entreprises et les autres acteurs. Le lancement du programme Horizon Europe et la création du Conseil européen de l’innovation à destination des PME doivent pouvoir aussi bénéficier aux Bruxellois. »
Philippe Matthis : « Le port est également innovant dans nombre de secteurs. En voici un aperçu… Un : sur nos 107 hectares, nous n’accueillons désormais plus que des entreprises investies dans l’économie circulaire. L’une d’elles, par exemple, pratique le concept innovant de construction durable : de la démolition des structures des deux tours du WTC, elle récupère le béton qui, normalement, ne devrait plus servir. Ce béton est transformé en granulat, fourni à l’un de nos cimentiers et ensuite réutilisé dans le même projet. Deux : pour lutter contre le réchauffement climatique, le port est le seul port belge à avoir obtenu le label zéro émission CO2. Et fort de ce label, nous incitons les entreprises du port à faire de même en mettant gratuitement un expert climat à leur disposition. Trois : en matière de distribution urbaine, nous avons construit, au nord et au sud du canal, deux centres de transbordement urbain ; les matériaux de construction palettisés y sont amenés par la voie d’eau et, ensuite, distribués dans la ville par des vélos cargo ou de petits véhicules électriques. »
Laurent Loncke : « Les ‘Last Mile Solutions’ décarbonées que vous évoquez sont en effet un élément bénéfique pour nos grandes villes. Nous les appliquons aussi dans nos réflexions sur l’évolution du business model de notre société de leasing en vue de plus de durabilité. L’innovation nous pousse ici aussi à revoir l’écosystème dans lequel on travaille. Par le passé, nous étions habitués à des relations one-to-one avec nos clients. Aujourd’hui, nous sommes plongés dans un écosystème avec de nombreux bruxellois, comme des incubateurs, des startups, des banques, les autorités publiques et bien d’autres types de partenaires impliqués dans la transition énergétique. »
Emmanuelle Havrenne : « En matière d’innovation, nos formations insistent aussi sur la pluridisciplinarité, indispensable pour la prise en charge de nombreuses problématiques devenues de plus en plus complexes. L’un de nos projets regroupe par exemple des étudiants en marketing, en technologie de l’informatique, en électromécanique et en ergothérapie autour de l’amélioration de la vie des personnes à mobilité réduite. À l’avenir, cette pluridisciplinarité devra être étendue. »
Aujourd’hui, pour grandir, une société doit nouer des partenariats en vue de développer de nouvelles solutions ayant une valeur ajoutée pour les citoyens.
Bruno de Thibault : « L’émergence des véhicules électriques nous pousse également à revoir notre business model. Ces véhicules demanderont en effet moins d’interventions en termes de dépannages. Je rejoins aussi l’idée qu’aujourd’hui, une société ne peut plus grandir seule ; elle doit nouer des partenariats en vue de développer de nouvelles solutions ayant une valeur ajoutée pour les citoyens. À Bruxelles, il est essentiel de renforcer les collaborations entre les entreprises privées et le secteur public. Avec deux autres partenaires privés, nous avons développé une plateforme qui permet de connecter plusieurs solutions de mobilité durable. Ainsi, le citoyen peut, via une seule application multimodale, commander divers services. Or, on assiste au développement parallèle, par des acteurs publics comme la STIB, de leur propre plateforme multimodale. »
Bernard Clerfayt : « L’innovation est essentielle à l’amélioration continue des connaissances et de notre société. Qu’elle soit technologique ou sociale, elle améliore notre productivité, notre économie, notre pouvoir d’achat, notre confort de vie, la qualité de nos emplois de qualité, etc. L’appétence pour l’innovation doit être largement partagée et, partant, l’appétence pour les formations aux STEIM - sciences, technologie, engineering, informatique, mathématiques. Ceux qui sortent de ces filières ont tous directement du travail de bonne qualité et pour longtemps. »
Emmanuelle Havrenne : « L’esprit d’entreprendre fait partie de notre ADN. Nous sensibilisons les étudiants à l’entreprenariat et les soutenons lorsqu’ils souhaitent développer leur propre projet. Même si tous n’ont pas vocation à créer leur entreprise, ils auront un bagage qui leur permettra certainement davantage d’autonomie, de responsabilisation et de créativité au sein des entreprises dans lesquelles ils travailleront. »
Guillaume Boutin : « Pour nous, l’innovation est essentielle. D’ici l’an prochain, nous aurons investi quelque 100 millions d’euros dans de nouveaux domaines. La connectivité de prochaine génération que nous mettons en place, ce sont avant tout des plateformes d’innovation. Tout l’intérêt de la fibre et de la 5G est de créer des villes encore plus intelligentes offrant plus de services. Ce sera un tremplin pour un large terreau d’entreprises qui pourront se brancher sur ces réseaux de nouvelle génération. Pour les acteurs locaux, c’est une opportunité de réinventer les services numériques de demain et de rester concurrentiels, agiles et innovants. »
Quelle est l’importance de la transition numérique aujourd’hui à Bruxelles ?
La compétence numérique est déjà nécessaire avant même d’entrer en formation ; elle est tout aussi essentielle que les compétences logico-mathématiques et linguistiques.
Vincent Giroul : « Parmi les 92 métiers proposés dans nos formations, pas un seul n’est épargné par la globalisation de la digitalisation. Nous intégrons dès lors les compétences numériques dans tous nos programmes. Soulignons aussi que la compétence numérique est déjà nécessaire avant même d’entrer en formation ; elle est tout aussi essentielle que les compétences logico-mathématiques et linguistiques. C’est d’autant plus vrai dans le contexte actuel de l’apprentissage à distance. Il convient de sensibiliser les enfants, dès leur plus jeune âge, aux compétences digitales… et on ne parle pas ici bien sûr de faire des choses incroyables sur un smartphone ! »
Bernard Clerfayt : « La transition numérique doit être maîtrisée pour créer de l’activité économique. Agoria, la fédération des entreprises technologiques, a mis en évidence que la digitalisation créera bien plus d’emplois qu’elle n’en détruira. Toutefois, la fracture numérique est bien présente : selon une étude récente de la Fondation Roi Baudouin, 15 % des gens ne maîtrisent pas du tout les outils du numérique et près de 40 % les maîtrisent mal. Afin de remédier à cette situation, Bruxelles a développé un ‘plan d’appropriation numérique’ qui accompagne les publics les plus faibles. »
On ne peut opposer le digital à l’humain. Le besoin de proximité créera une relocalisation des outils de production et de l’Internet.
Vincent Giroul : « Après la crise sanitaire, un travail d’accompagnement et de résilience sera nécessaire dans tout le secteur de l’apprentissage. Il faudra sécuriser les parcours de formation, engager les apprenants à se poser des questions sur ce qu’ils ont acquis, perdu et retrouvé à l’occasion du confinement, remettre les gens dans les perspectives positives d’un projet professionnel. La question de l’orientation des publics est fondamentale ! Il faudra aussi prendre en compte l’évolution de l’économie bruxelloise, de la plus grande importance de la digitalisation et du télétravail, etc. Le monde de la formation a déjà dû adapter ses pratiques pédagogiques pour l’enseignement à distance. On peut s’attendre à d’autres bouleversements : une plus grande consommation de biens et services de proximité, une évolution positive de nos modes d’alimentation, etc. Tout cela entraînera aussi des réorientations dans les formations. »
Guillaume Boutin : « Avec la crise sanitaire, nous avons connu une accélération incroyable du digital tandis que, dans le même temps, on n’a jamais eu autant besoin de proximité et de contacts humains. On ne peut pas opposer le digital à l’humain. Le besoin de proximité créera au contraire une relocalisation des outils de production et de l’Internet. C’est ici une énorme opportunité de réinvention des services digitaux du quotidien, de développement économique et de redéploiement des capitaux vers les filières locales. Et cela sera rendu possible par une connectivité sans faille, que ce soit la fibre ou la 5G. »
En matière de digitalisation, Bruxelles fait face à un défi majeur : inscrire le secteur du numérique et du digital dans la transition économique.
Barbara Trachte : « Bruxelles est un terreau fertile pour le digital, avec énormément d’emplois et de valeur ajoutée à la clé. Nous sommes face à deux défis majeurs. Le premier est que beaucoup d’entreprises doivent encore adopter la transformation digitale. Le second est d’inscrire le secteur du numérique et du digital dans la transition économique. Le gouvernement bruxellois a introduit un dossier au niveau européen pour accueillir sur son territoire un ‘European Digital Innovation Hub’ ; il viendra en aide à la digitalisation des entreprises et à l’inscription de celles-ci dans la transition économique, en particulier dans le secteur de l’intelligence artificielle. »
Marie-Carmen Bex : « Notre institut finance quasiment 20 % des projets bruxellois en recherche industrielle dans le domaine de la digitalisation. Ils ont trait aux nouvelles applications en B2B et en B2C et à l’intelligence artificielle. Soulignons l’implication de la Région bruxelloise dans le projet d’envergure EuroHPC qui, via plusieurs supercalculateurs européens, permettra aux pays membres de l’UE de disposer de cette infrastructure et de réaliser des recherches. Ceci favorisera l’émergence d’un large écosystème d’innovation, dont pourra bénéficier Bruxelles, compétitif en technologies, en applications et en compétences informatiques. Cela aidera nos entreprises à disposer d’un plus grand nombre de big datas et à pouvoir les traiter. »
Bernard Clerfayt : « La digitalisation amène en effet aussi à l’exploitation des données afin d’améliorer les services offerts. C’est ce qu’on voit entre autres avec les Mobility As A Service Platforms (MaaS), des applications qui permettent de trouver toute l’information nécessaire à une meilleure mobilité, entre autres en recourant à l’intelligence artificielle. Tout cela pose néanmoins la question de la sécurité et du caractère public de nos données. Je suis personnellement partisan d’une grande publicité des données, dans la mesure où elles sont inépuisables et qu’elles constituent une source de valeur ajoutée reproductible à l’infini. »
Laurent Loncke : « Ce type de plateforme permet effectivement aussi aux entreprises d’avoir une vue globale sur l’ensemble des moyens de transport de leurs collaborateurs. Aujourd’hui, on est toujours dans un système avec des abonnements, des tickets et des notes de frais, que l’entreprise doit rembourser au compte-goutte, ce qui prend beaucoup de temps. Il faut intégrer les data, l’intelligence artificielle et la volonté de faciliter le travail de l’entreprise dans des plateformes multimodales. »
Guillaume Boutin : « La data nécessite une approche conjointe du monde du public et du monde du privé. La souveraineté de la data et les ‘coffres-forts numériques’ sont des sujets dont nous devons nous emparer tous ensemble extrêmement rapidement. Si nous ne le faisons pas, d’autres acteurs européens ou d’ailleurs le feront pour nous ! »
Comment répondre au défi de la mobilité durabilité ?
L’avenir de la voiture passera par son intégration dans la multimodalité et la durabilité. On évoluera progressivement vers des parcs à zéro émission et vers des véhicules électriques et à hydrogène
Laurent Loncke : « Dans notre vision, l’avenir de la voiture passera par son intégration dans la multimodalité et la durabilité. On évoluera progressivement vers des parcs à zéro émission et vers des véhicules électriques et à hydrogène. Au niveau international, nous nous sommes déjà fixé un objectif d’électrification d’un quart de notre flotte à l’horizon 2025. En Belgique, nous fixons aussi cet objectif pour notre flotte, actuellement de 82.000 véhicules. »
Bruno de Thibault : « Comme l’a démontré le Bureau fédéral du Plan, le télétravail tel qu’il a été adopté par les entreprises n’est pas une solution qui améliorera structurellement la mobilité dans le futur. En dépit de la complication institutionnelle belge, pour pouvoir développer une politique de mobilité efficace, il faut raisonner au-delà du territoire de 19 communes de Bruxelles. Pour faire face aux problèmes de congestion, il faut mettre en place des alternatives comme le RER et la construction d’autoroutes de vélos, qui pourraient voir le jour en 2025. Mais il faut aussi une fréquence importante des transports publics, une politique tarifaire peu onéreuse des parkings aux abords des gares, une sécurisation des parkings pour vélos, etc. Soulignons aussi qu’en Belgique, plus de 70 % des déplacements domicile-bureau s’effectuent uniquement en voiture ; à Paris, ce n’est le cas que pour un déplacement sur neuf ! »
À Bruxelles, le canal est la seule voie de pénétration qui n’est pas embouteillée ; on pourrait y faire sans problème deux fois plus de trafic.
Philippe Matthis : « Grâce à son canal, le port est bien sûr un acteur de mobilité durable. Il s’intègre dans un réseau transeuropéen de 35.000 km par la voie d’eau. En 2020, plus de 6,6 millions de tonnes y ont transité, soit l’équivalent de 621.000 camions et 96.000 tonnes de CO2… en moins dans les rues de Bruxelles ! Quand on sait que 90 % du transport de marchandises à Bruxelles se fait par camion, nous avons encore de la marge. D’autant plus que le canal est la seule voie de pénétration qui n’y est pas embouteillée ; on pourrait y faire sans problème deux fois plus de trafic. Quelque 80 chantiers importants ouvriront le long du canal dans les prochaines années. Cela fait autant de clients potentiels en plus. Rien que la construction de la future ligne 3 du métro représentera plus de 2,6 millions de tonnes excavées. Ici, transporter ces terres par la voie d’eau se traduirait par 210.000 camions en moins. Le port fera tout avec ses actionnaires pour éviter ces nouveaux trafics de camion. »
Barbara Trachte : « Dans le domaine de la mobilité, soulignons que le gouvernement bruxellois a obtenu des fonds européens pour aider les entreprises à acquérir et utiliser des vélos cargo. Ces fonds sont destinés à tous types de sociétés, d’indépendants et d’activités, du laveur de vitres au serrurier. Cela représente autant de voitures en moins dans les rues, autant de temps en moins pour trouver une place de parking, etc. Autre initiative gouvernementale : nous avons désigné un ‘facilitateur Fleet’ pour aider les entreprises dans la transition de leurs moyens de déplacement, que ce soit dans le cadre de leur activité ou celui des déplacements domicile-travail de leurs collaborateurs. Nous avons également désigné des facilitateurs pour les bornes de recharge afin d’aider les sociétés et les employés disposant de véhicules électriques. »