À Bruxelles, la formation en alternance connaît un succès grandissant. Selon Emmanuel Baufayt, Conseiller et Chef de service de la Formation professionnelle Cocof, cet engouement est parfaitement compréhensible. Le dispositif offre aux personnes en formation des compétences à jour et des opportunités de carrière.
Texte : Philippe Van Lil
Emmanuel Baufayt
Conseiller et Chef de service
la Formation professionnelle Cocof
Quel succès rencontre l’alternance ?
Emmanuel Baufayt : « Ces 3 dernières années, le nombre d’inscriptions a augmenté de quelque 10 % pour atteindre environ 7.000 apprenants par an à Bruxelles. Nous proposons près de 90 formations : techniques classiques comme électricien, chauffagiste et métiers de bouche ; métiers de services comme agent immobilier et comptable ; etc. Nous avons aussi développé un pôle numérique spécifique, cet aspect étant en outre aussi présent dans toutes nos formations, métiers techniques et manuels compris. »
L’alternance, c’est aussi tout bénéfice pour les entreprises ; elles peuvent engager des personnes qu’elles ont formées à leurs propres exigences.
Comment s’organise la formation ?
E.B. : « En général, la semaine compte 4 jours en entreprise et 1 jour en centre de formation. Au centre de formation, les apprenants acquièrent des compétences techniques et pratiques en atelier ainsi que des éléments liés à la gestion d’entreprise. Nos formateurs sont tous des professionnels en activité, à la page des dernières technologies et tendances de leur secteur. »
« En entreprise, les stages se font sous la responsabilité d’un tuteur. Après 3 ans de formation et d’expérience professionnelle en entreprise, les apprenants sortent extrêmement bien formés. C’est aussi tout bénéfice pour les entreprises ; elles peuvent engager des personnes qu’elles ont formées à leurs propres exigences. Preuve que cela fonctionne bien : 85 % de nos diplômés trouvent un emploi dans les 6 mois, bien souvent sur leur lieu de stage. »
Votre démarche est-elle très différente de la démarche scolaire traditionnelle ?
E.B. : « Oui. Non seulement parce qu’il y a ce va-et-vient entre le monde de l’entreprise et le centre de formation, mais aussi en raison du contenu-même de nos programmes, notamment sur le volet des cours généraux. Là où nous avions des cours très classiques de mathématiques ou de français, nous avons aujourd’hui par exemple des cours de mathématiques ou de communication adaptés à chaque métier, en lien direct avec l’activité professionnelle réalisée en entreprise. »
« Cela s’applique aussi aux formations de chef d’entreprise pour adultes. Nous sommes d’ailleurs en pleine révision du référentiel du programme de ces formations ; jusqu’à présent, il était fortement centré sur des compétences de fiscalité et de comptabilité ; à ces compétences fondamentales, on ajoute maintenant beaucoup plus de compétences entrepreneuriales liées à la mise en œuvre concrète de la création d’entreprise. »
Comment adaptez-vous encore vos formations à l’évolution des besoins du marché du travail ?
E.B. : « Certaines formations obsolètes disparaissent, tandis que d’autres apparaissent. Ces 5 dernières années, une dizaine de nouvelles ont été lancées : maraîcher urbain, ventiliste, mécanicien vélo, métiers de la logistique, etc. Le secteur numérique s’est particulièrement étoffé : développeur interface Web, designer UX/UI, développeur front-end, assistant développeur, gestionnaire d’infrastructure réseau, etc. Les évolutions sont aussi très importantes dans les métiers traditionnels, comme l’électricité et le chauffage où la domotique a pris une grande part. »
Beaucoup de personnes se dirigent cependant encore souvent vers des filières fort bouchées…
E.B. : « Il est vrai qu’ils sont souvent mal informés de l’éventail des opportunités de carrières. Pour pallier ce problème, nous avons des dispositifs d’essais en entreprise. Ceci leur permet de se confronter à la réalité pratique et professionnelle d’un métier en entreprise. Parfois, on constate un niveau de compétences insuffisant pour s’engager dans une logique d’alternance. Quoi qu’on en pense, celle-ci requiert énormément de compétences cognitives et comportementales en phase avec le milieu de l’entreprise. »
Entreprises, osez l’alternance !
À Bruxelles, on manque de places de stages pour les apprenants de la formation en alternance. C’est pourtant une opération win-win, où l’entreprise a aussi tout à gagner.
– Le secteur numérique est fort concerné par le manque de places. Il n’est pas le seul : « Dans le secteur de la logistique, nous avons développé une offre très importante : superviseur d’entrepôt, gestionnaire de stocks, etc. Les entreprises du secteur se plaignent du manque de main-d’œuvre et, dans le même temps, ne font pas appel à nos apprenants », déplore Emmanuel Baufayt. « Je lance donc un appel aux entreprises : osez l’alternance, osez prendre un stagiaire ! »
– Accueillir un stagiaire, c’est souvent former son futur personnel. Durant cette période, l’entreprise bénéficie de l’aide du centre de formation en alternance, mais aussi d’une prime de la Région. Depuis 2018, pour l’accueil d’un stagiaire pendant au moins 6 mois, elle s’élève à 1.750 € par tuteur. Jusqu’au 30 juin 2022, elle passe même temporairement à 3.000 €.