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Marques et brevets : pandémie ne rime pas avec tsunami

En termes de dépôts de brevets et de marques, la crise sanitaire n’a pas causé de catastrophe. Certains secteurs affichent même une croissance robuste. Tour d’horizon avec Samuel Denis, Co-Head of Patent Practice, Senior European Patent Attorney & Partner, et Benjamin Gevers, Senior European and Benelux Trademarks and Design Attorney & Partner du groupe Gevers.

Texte : Philippe Van Lil

Samuel Denis

GROUPE GEVERS

Benjamin Gevers

GROUPE GEVERS

Comment votre activité traverse-t-elle la période actuelle ?

Benjamin Gevers : « Nous avons été relativement épargnés par la crise économique. Notre département Brevets a même enregistré une croissance en 2020. Le département Marques et Modèles est stable mais avec un effet différencié entre la Wallonie et Bruxelles, en légère décroissance, et la Flandre, plutôt en croissance grâce aussi à l’acquisition récente de nouveaux clients. »

Samuel Denis : « Nous avons été assez surpris d’avoir autant de travail durant le premier confinement, dont énormément de demandes de nouveaux clients. L’interprétation toute personnelle que j’en fais est que nos interlocuteurs, le plus souvent des directeurs de sociétés ou de départements R&D, ont eu plus de temps pour traiter ces dossiers. Habituellement fort sollicités par de multiples tâches, il est possible qu’ils n’aient pas souvent le temps de s’occuper des questions relatives à la protection brevet. »

« Toutefois, cela fait partie des choses à faire obligatoirement à un moment ou l’autre. En outre, nous avons eu aussi des demandes de missions de conseil, en particulier pour ce que nous appelons les ‘due diligence IP’. Il s’agit ici d’évaluer le portefeuille de propriété intellectuelle d’entreprises qui sont des cibles potentielles de rachat. Ceci nous demande en général beaucoup de travail et une très grande réactivité. »

Depuis le début 2021, on constate une reprise très claire en termes de brevets pour les domaines qui ont été impactés en 2020.

Quel est l’impact selon les secteurs ?

B. G. : « La restauration et l’hôtellerie ont bien sûr connu moins de dépôts de marques en 2020 qu’en 2019, cela n’étonnera personne. Les secteurs des banques, de la finance, de l’assurance, de l’immobilier, du pharmaceutique, du médical et des vêtements sont en revanche en croissance, de l’ordre de 30 %. »

« Une société d’assurance nationale a par exemple déposé de nombreuses marques pour de nouveaux produits d’assurances digitaux ou encore pour une nouvelle plateforme en ligne proposant des services solidaires typiquement liés au confinement. Les gens pouvaient s’y enregistrer pour offrir des services à des personnes dans le besoin. Cet assureur s’est aussi réinventé en créant un Innovation Board pour encourager et faciliter la création au sein de l’entreprise. »

S. D. : « En ce qui concerne l’activité Brevets, notre société est en croissance assez sensible en termes de chiffre d’affaires et de résultat final en 2020. Les secteurs qui ont affiché les meilleurs résultats sont ceux de la pharmacie, de la chimie, des Medical Devices (NDLR : l’appareillage médical) et de l’IT en général. Certains secteurs comme l’aéronautique ont néanmoins été très impactés. »

« Mais depuis le début 2021, on constate une reprise très claire en termes de brevets pour les domaines qui ont été impactés en 2020. Pour les grands groupes européens, la concurrence vient des États-Unis et de la Chine, qui n’ont pas diminué la cadence en termes d’oppositions et de dépôts de brevets. »

La digitalisation a-t-elle pris de l’ampleur sur le marché des brevets ?

S. D. : « Nous ne disposons pas encore des données européennes complètes pour les dépôts en 2020. Le premier secteur technologique en termes de dépôts de brevets en Europe a longtemps été celui des Medical Devices, contrairement aux États-Unis où le domaine de l’IT en général arrivait en tête. »

« Cependant, en 2019, le secteur de la communication numérique – internet, 5G, etc. – est passé en tête des dépôts de brevets européens. 2020 devrait rester dans la même lignée vu la tendance de fond observée ces dernières années. »

S’il y a matière à protection intellectuelle, il faut le faire à temps afin de pouvoir bénéficier des retombées d’une innovation.

Cette tendance se présente-t-elle de la même façon partout en Europe ?

S. D. : « Non, cette croissance européenne en termes de dépôts de brevets dans le secteur digital est un peu inégale. On voit un développement typiquement du côté des grands hubs IT reconnus comme Munich, Londres et Paris. En Belgique francophone, on observe une vraie dynamique dans la question de l’innovation IT/software/intelligence artificielle, avec des structures souvent assez petites. »

« Pour celles-ci, il y a encore cependant une éducation à faire ; trop souvent, on pense encore qu’il n’est pas possible d’obtenir des brevets. C’est dangereux ! Une société risque de passer à côté d’un brevet que ses concurrents pourront déposer. »

Un dernier conseil ?

B. G. : « La pandémie a clairement montré que pour toute entreprise ou commerçant, chacun à son niveau, il est fondamental de se réinventer, de continuer à innover pour se démarquer des autres. Pour certains, le confinement a permis de se pencher un peu plus sur ces aspects qui restaient plutôt à l’arrière-plan auparavant. »

« S’il y a matière à protection intellectuelle, que ce soient des marques, des dessins et modèles, des brevets, du savoir-faire ou des secrets d’affaires, il faut le faire à temps ! Pour beaucoup de procédures, cela doit être fait avant que ce ne soit divulgué et mis sur le marché afin de pouvoir bénéficier des retombées d’une innovation. »

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