Aubry Lefebvre
Administateur délégue
Thomas & Piron Bâtiments
Face aux défis sociétaux et environnementaux, les métiers de promoteur et de constructeur remplissent un rôle essentiel. L’administrateur délégué de Thomas & Piron Bâtiment, plaide entre autres pour des quartiers connectés au tissu existant et pour des matériaux et moyens de transport plus durables.
Texte: Philippe Van Lil
Comment envisagez-vous les quartiers de demain ?
« En tant que promoteur privé, le point sans doute le plus essentiel est que chaque nouveau projet soit connecté avec les quartiers environnants et que chaque citoyen s’y retrouve à tous niveaux. Ceci concerne aussi bien les connexions physiques en termes de déplacements – piétons, voitures, mobilité douce et alternative – que les connexions sociales via, par exemple, des infrastructures sportives, plaines de jeux et locaux de quartier. Tout ce qui est créé doit pouvoir profiter non seulement aux nouveaux habitants du projet mais également aux quartiers environnants. »
Notre métier de développeur et promoteur est un métier d’aménageur qui doit se faire à la fois pour le compte de privés et dans l’intérêt public.
Comment cela se traduit-il dans votre métier ?
« Il n’y a pas de recette miracle ! Chaque cas nécessite une analyse fine du tissu urbain existant, de la localisation du bâtiment, de la taille du projet, etc. Notre métier de développeur et promoteur est un métier d’aménageur qui doit se faire à la fois pour le compte de privés et dans l’intérêt public. Il faut par exemple répondre à une demande à la fois de logements mais également de services que le nouveau projet pourrait apporter aux quartiers voisins : commerces, bureaux, liens intergénérationnels, etc. »
Dans quelle mesure les objectifs de durabilité impactent-ils votre métier ?
« En raison notamment des nouvelles réglementations et des nouvelles normes, le promoteur et le constructeur sont déjà amenés à prendre en compte de multiples aspects. Toutefois, à mon sens, des progrès importants devraient encore être réalisés dans le choix des matériaux utilisés et de leurs moyens de transport. »
« Le secteur de la construction n’a pas encore suffisamment déployé en masse les solutions alternatives que pour pouvoir disposer de produits de meilleure qualité à des prix suffisamment compétitifs. Si les promoteurs privés et publics et les constructeurs parviennent à lancer davantage de commandes de matériaux alternatifs, leur volume augmentera et les prix deviendront inévitablement plus raisonnables. »
À quels matériaux alternatifs faites-vous allusion ?
« Je pense notamment aux structures en bois, aux isolants plus neutres et moins pétrochimiques, aux plaques moins nocives pour la santé que celles en plâtre et aux alternatives aux étanchéités asphaltiques. L’une des problématiques de la construction est que beaucoup de tests doivent être effectués sur les nouveaux produits avant de les mettre en œuvre à plus grande échelle. Il faut s’assurer qu’ils respectent les normes et résistent dans le temps. Ceci participe à une certaine inertie. »
Qu’en est-il du transport des matériaux ?
« Pour l’acheminement et l’évacuation des matériaux, il faut se montrer moins individualiste ! Le fluvial et le ferroviaire sont largement sous-exploités en Belgique. Un chantier en bord de fleuve, par exemple, permet un transport par le biais de barges, bien moins polluantes qu’une ribambelle de camions ! Lorsqu’on achemine des matériaux du fin fond de l’Europe, il faudrait aussi arriver à grouper les commandes de plusieurs promoteurs ; affréter un train de marchandises est bien plus écologique que charger des camions pour chaque commande individuelle. »
« Les camions ne devraient être utilisés que pour les derniers kilomètres du transport. La même réflexion vaut pour l’acheminement de nourriture : plutôt que faire venir des aliments par avion, il faut favoriser les circuits courts, l’agriculture urbaine et sur les toits, les potagers et vergers collectifs, etc. Nos projets doivent aussi en tenir compte. »
Votre entreprise met-elle en œuvre de bonnes pratiques en termes de durabilité ?
« Oui, par de multiples aspects, nous nous impliquons dans ce rôle sociétal. Si l’on veut donner envie aux gens de faire cette démarche-là, il faut d’abord avoir l’honnêteté de balayer devant sa porte ! Nous limitons notamment notre empreinte carbone. Notre siège social est un bâtiment à énergie positive. Nous mettons à disposition de nos employés de petits véhicules électriques pour les trajets à proximité de nos bureaux ; ces véhicules sont alimentés par les panneaux photovoltaïques situés sur le toit de notre bâtiment, qu’ils aliment aussi. »
« Nos containers de chantier et de vente sont isolés et munis d’une pompe à chaleur réversible afin de ne plus utiliser de climatiseurs ou du chauffage. Nous nous focalisons sur des projets urbains permettant de favoriser les transports en commun et, plus globalement, les enjeux sociétaux et écologiques. »
« Nous avons créé un groupe de travail dédié au développement durable de l’entreprise et de nos projets ; à cet égard, nous sommes notamment engagés dans la recherche & développement de nouveaux produits. Enfin, notre prochain objectif est de réaliser un projet immobilier zéro carbone. »