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La 4e révolution industrielle s’accélère à un rythme effréné

Collecte de datas, intelligence artificielle, internet des objets, réalité augmentée… La révolution industrielle 4.0 s’accélère. Avec quelles conséquences pour nos entreprises, sujettes dans le même temps à des défis environnementaux et de gestion des ressources humaines ? Médiaplanet a réuni 5 experts pour en débattre.

Texte : Philippe Van Lil – Photos : Kris Van Exel

En quoi l’innovation technologique bouleverse-telle le fonctionnement de nos entreprises ?

Naïm Cordemans, Conseiller au cabinet du Secrétaire d’État fédéral à la Relance, aux Investissements stratégiques et à la Politique scientifique

Naïm Cordemans : « Dans le monde actuel, la notion d’innovation revêt largement un caractère positif dans la mesure où elle contribue à un certain progrès sociétal, notamment en matière de mobilité et de communication. Mais elle a aussi des effets néfastes en termes de pollution, de cohésion sociale et de hausse des inégalités. Elle s’est aussi longtemps résumée, au sein des entreprises, à une recherche d’avantages compétitifs et d’accroissement de parts de marché. À présent, il est temps qu’elle s’inscrive pleinement dans le contexte de nos défis sociétaux, au premier rang desquels figure la transition écologique. Les innovations qui prennent place au sein de nos entreprises doivent impérativement y contribuer. »

On travaille sur l’automatisation depuis des années déjà. Ce qui change aujourd’hui, c’est que les nouvelles technologies permettent une accélération vertigineuse. 

David Orgaz D’hollander

Philippe Bastien : « Nous vivons en effet dans un monde fait de défis et de nombreuses transitions : technologique, écologique, environnementale, sociale… mais aussi économique. Je vous rejoins sur ces points : l’industrie doit remplir un rôle essentiel dans la gestion optimale de ces transitions et la transition technologique donne les moyens de répondre à ces défis. Pour les entreprises industrielles, cette transition technologique est en lien direct avec trois axes classiques. Un : l’excellence opérationnelle, où la transformation digitale permet de réadresser l’ensemble de la chaîne de valeur du client au fournisseur ; ainsi, en partant de la collecte des données clients, on optimise les process industriels. Deux : la relation avec le client, qui change aujourd’hui de nature par le fait qu’on amène une offre plus complète faite de produits mais aussi services. Trois : l’expansion, qui se traduit en l’occurrence par les multiples opportunités offertes par la technologie en termes de nouveaux business. Pensons par exemple à toutes les technologies de virtualisation développées durant la crise sanitaire ; elles ont permis à la fois de développer de nouveaux business et de changer la relation avec le client. »

La 4e révolution industrielle implique que l’industrie se doit désormais d’être leader non plus seulement avec un produit mais aussi avec le service qui l’accompagne.

Antoine Labuche

Antoine Labuche : « Que l’on parle de Smart Industry, de Smart Factory ou d’industrie 4.0, il s’agit de la 4e révolution industrielle. La première eut lieu vers 1750 avec l’arrivée de la vapeur dans le cycle de production, la deuxième un siècle plus tard avec la mécanisation des outils de production et la troisième encore un siècle plus tard avec les usines automatisées. La quatrième a commencé il y a environ 20 ans dans un contexte où l’industrie se doit désormais, comme vous le soulignez, d’être leader non plus seulement avec un produit mais aussi avec le service qui l’accompagne. Offrir une solution globale permet de générer des services récurrents et donc aussi des revenus récurrents. Pour atteindre ces objectifs, il est indispensable de bien connaître ses clients. Les innovations technologiques procurées entre autres par l’intelligence artificielle, l’internet des objets et la réalité augmentée y contribuent. Elles permettent de collecter et traiter des données massives de clients de manière à mieux personnaliser les produits et services. »

Wim Vancauwenberghe, Directeur de Bemas

Wim Vancauwenberghe : « Aujourd’hui, l’innovation digitale est même devenue une question de survie pour toute société de production. Afin de rester compétitif, même un boulanger doit pouvoir personnaliser ses produits. Pour lui, cela implique un équipement de production fiable et agile. Cela vaut pour tous les métiers. Il s’agit de pouvoir s’adapter très vite à la demande si l’on ne veut pas mécontenter les clients. Les innovations technologiques remplissent en réalité de nombreuses fonctions essentielles : collecter des données, diminuer les coûts de l’énergie, gérer les processus de production, prévoir d’éventuelles défaillances des appareils de production, planifier leur maintenance et éviter ainsi des interruptions dans la chaîne d’approvisionnement… »

David Orgaz D’hollander : « … et tout cela aussi à un rythme de plus en plus rapide ! Depuis bien des années déjà, on travaille sur l’automatisation en vue d’augmenter l’efficacité opérationnelle des process. Ce qui change aujourd’hui, c’est que les nouvelles technologies permettent une accélération vertigineuse. Disposer de données, les mettre dans leur contexte et en en faire ressortir des informations stratégiques mènent à une amélioration continue. Et c’est loin d’être fini ! Selon une étude de McKinsey, parmi l’énorme masse de données déjà disponibles, nous n’en exploitons que 1 % en moyenne dans nos prises de décision. Ce potentiel gigantesque démontre que nous devons à présent nous concentrer bien plus sur l’utilisation des données dont nous disposons déjà plutôt que sur la récolte de nouvelles données. En termes de nouveautés de produits, de services et de business, nous avons juste effleuré la surface de l’iceberg jusqu’à présent. L’intelligence artificielle notamment, à laquelle nous recourrons aujourd’hui dans une approche encore relativement traditionnelle, permettra des avancées insoupçonnées à l’avenir. »

Antoine Labuche : « Vous avez raison d’insister sur cet aspect d’accélération. Aujourd’hui, au sein de l’industrie, on sent une véritable appétence pour le recours au digital… mais aussi pour l’utilisation de bonnes pratiques, des changements de processus métier, l’intégration des nouvelles technologies au service de la RSE, de l’écologie et de l’innovation. »

L’un des cinq axes majeurs du Plan pour la reprise et la résilience de la Belgique concerne la transformation numérique. Environ 800 millions d’euros y seront consacrés. 

Naïm Cordemans

Wim Vancauwenberghe : « Il y a en effet de très nombreux aspects. Les entreprises qui pensent pouvoir s’en sortir sans monter dans le train de la transformation digitale, énergétique et écologique se trompent. »

Antoine Labuche, Sales Director de 9altitudes

Antoine Labuche : « Effectivement, tout au long de l’histoire, les choses n’ont cessé de se transformer. Mal aborder la transformation numérique peut coûter très cher. En 1975, un ingénieur de Kodak avait présenté au comité de direction l’ancêtre de l’appareil photo numérique. Ce comité a décliné son idée, estimant que leur métier, c’était la photo papier. Résultat : alors qu’elle valait encore 98 milliards de dollars en 1996, Kodak a fait faillite en 2012 ! »

David Orgaz D’hollander : « Ajoutons un autre élément important de la transformation digitale auquel il va falloir se montrer désormais très attentif à l’avenir : la cybersécurité. Sans celle-ci, il ne peut pas y avoir de création de valeur durable de cette transformation digitale. Une cyberattaque signifierait la perte totale de tout ce qui a pu être ajouté en valeur. Nous constatons que cette sécurité fait encore souvent défaut dans les processus opérationnels. »

Naïm Cordemans : « L’un des cinq axes majeurs du Plan pour la reprise et la résilience de la Belgique concerne la transformation numérique. Environ 800 millions d’euros sont consacrés à cet axe : quelque 80 millions pour la cybersécurité – sur laquelle vous avez raison de mettre le doigt -, 600 millions pour la digitalisation des administrations publiques et 100 millions pour le développement de la fibre optique, de la 5G et d’autres nouvelles technologies entre 2021 et 2026. L’Europe nous imposait de consacrer au minimum 20 % du budget du Plan à la transformation digitale. Nous avons décidé d’en allouer 27 % en raison notamment du retard de la Belgique en matière de développement de l’infrastructure digitale. »

Pouvez-vous illustrer les avancées actuelles par des exemples concrets ?

Naïm Cordemans : « Entre autres exemples de projets sur les rails dans le cadre du Plan, on peut citer celui visant à améliorer la connectivité dans les écoles et dans les parcs d’activité économique en Wallonie. Ce projet représente plus de 70 millions d’euros. Relevons que nombre de projets visent aussi à renforcer l’éducation en matière digitale, en particulier pour les publics fragiles ou défavorisés ; plus la transformation digitale ira de l’avant, plus la fracture numérique risque aussi de se creuser. »

David Orgaz D’hollander, Président Belgique & Pays-Bas de Schneider Electric 

David Orgaz D’hollander : « Concernant les avancées technologiques, on peut citer le projet Perex 4.0 du SPW Mobilité et Infrastructure. Inauguré en 2019 à Daussoulx, ce bâtiment permet notamment de gérer, à partir du même endroit et en temps réel, toutes les infrastructures du réseau navigable. Nos solutions permettent de gérer à distance, d’un côté, les écluses et les barrages et, de l’autre, la captation et centralisation de données afin de pouvoir mieux réguler les eaux de la Wallonie, assurer la maintenance et anticiper les problèmes éventuels. Des projets similaires fleurissent partout dans le monde dans des secteurs très variés. En Australie, par exemple, les mines sont disséminées partout dans le pays dans des endroits perdus au milieu de nulle part. Pour nos clients installés là-bas, nous avons mis sur pied un poste de contrôle central dans une ville. Il permet des opérations à distance avec une maîtrise complète des processus mais aussi une anticipation des problèmes. Ce dernier point est d’autant plus crucial qu’il il faut généralement plusieurs jours aux techniciens chargés de la maintenance pour accéder à ces endroits. »

Philippe Bastien, Président régional d’AGC Glass Europe

Philippe Bastien : « En matière de vitrage de bâtiments, on évolue aujourd’hui vers des solutions dynamiques. Autrement dit, grâce à des capteurs mesurant différents paramètres, les vitrages pourront désormais adapter leurs performances pour laisser passer plus ou moins de lumière et calculer les solutions optimales en termes d’énergie, de confort, d’éclairage, etc. Autre exemple d’avancée technologique… L’isolation des vitrages actuels rend déjà les bâtiments énergétiquement très performants. Mais, revers de la médaille, le progrès est tel que ces vitrages sont parfois devenus hermétiques aux ondes, ce qui, à l’intérieur des bâtiments, crée des problèmes de connectivité aux GSM et à l’internet. Pour la retrouver, nous avons développé des soutions statiques et dynamiques. Les premières consistent à appliquer un traitement, invisible à l’œil nu, sur la couche extérieure du vitrage, les secondes à intégrer des antennes dans le vitrage à l’instar de ce qui se fait pour les automobiles. »

Wim Vancauwenberghe : « Dans l’aéronautique, des avancées énormes sont réalisées en termes de fiabilité. Ainsi, depuis quelques années, les algorithmes de prédiction de la performance des moteurs d’avion permettent d’effectuer des monitorings durant les vols. Si un problème est détecté, les paramètres du moteur sont automatiquement adaptés pour que le vol puisse continuer en toute sécurité. De plus, dès que l’avion atterrit, un technicien est déjà prêt pour intervenir avec la pièce détachée nécessaire. Au-delà des aspects de sécurité, ce système de monitoring présente l’avantage de prévoir la durée de vie de l’appareil de façon relativement précise, de maximiser cette durée et ainsi d’optimiser l’utilisation de tous les matériaux investis dans la construction de l’avion. C’est évidemment tout bénéfice en termes de rentabilité et de durabilité. »

Antoine Labuche : « L’un de nos clients conçoit, fabrique et vend de petits chariots élévateurs, dont il assume ensuite la maintenance. Ici, une solution digitale de type PLM – Product Lifecycle Management – permet de suivre le cycle de vie complet de la machine et de ses composants grâce à des capteurs. Ils permettent aussi de vérifier divers paramètres comme la température de l’huile. En outre, un système d’internet des objets enregistre les informations de ces capteurs et détecte les avaries afin d’anticiper toute casse ou panne éventuelle. Un technicien peut ensuite agir sur la machine à titre réactif ou préventif. Nous avons poussé ce système de maintenance encore plus loin grâce à la réalité augmentée. Chaque chariot élévateur dispose d’un jumeau digital qui permet d’expliquer au technicien comment intervenir sur la machine. Ce système peut même lui fournir des instructions digitales qui se superposent à la réalité. »

En quoi les nouvelles technologies permettent-elles de satisfaire aux exigences environnementales ?

Philippe Bastien : « On a parfois une image négative de l’industrie, associé à la pollution environnementale. Aujourd’hui, des entreprises de vitrage comme la nôtre contribuent à l’effet inverse grâce aux nouvelles technologies. Les doubles vitrages sous vide produits actuellement sont bien plus minces, plus légers et trois fois plus efficients qu’il y a 30 ans en termes de déperdition de chaleur dans les bâtiments. Actuellement, ces derniers constituent 40 % de nos consommations énergétiques et 36 % de nos émissions de CO2 ; les anciens vitrages y sont responsables de quelque 30 % des déperditions. Si tous les bâtiments étaient équipés des vitrages dernier cri, cela permettrait de sauver jusqu’à 100 millions de tonnes de CO2 chaque année en Europe, dont 3 millions en Belgique. À plus d’un titre, la rénovation des bâtiments est essentielle. »

Naïm Cordemans : « Le Plan de reprise et de résilience représente un total de 6 milliards d’euros pour la période 2021-2026, soit un effort équivalent à 0,2 % du PIB belge par an. Sur ce montant, plus de 1 milliard d’euros sera consacré à la rénovation des bâtiments, 1,3 milliard aux infrastructures de mobilité et 0,6 milliard aux infrastructures énergétiques. Ces montants restent néanmoins insuffisants. La Commission européenne recommande d’investir un supplément de 3,7 % du PIB européen pour les 10 années à venir rien que pour adapter les infrastructures énergétiques et de transport aux engagements en matière climatique. 3,7 %, cela veut dire près de 20 milliards par an pour la Belgique et donc 200 milliards pour la décennie à venir. Avec 6 milliards, on est loin du compte ! Nous plaidons en faveur d’un vaste plan de transition écologique au niveau européen afin de répondre efficacement aux enjeux du dérèglement climatique et de la dégradation de l’environnement. »

Transition écologique et digitale sont intimement liées : on le voit entre autres avec l’importance que prend l’économie circulaire.

Wim Vancauwenberghe

David Orgaz D’hollander : « On peut espérer des améliorations à l’avenir grâce à la jeune génération, bien plus conscientisée à la cause climatique et environnementale. Les jeunes sont aujourd’hui fortement attirés par les entreprises qui ont un impact positif sur les défis de notre société, dont la crise climatique. À cet égard, notre compagnie a été élue la plus durable au monde dans le Corporate Knights Global 100 Index 2021. Malheureusement, encore trop peu d’entreprises mesurent correctement leur consommation d’énergie. Or ce qui n’est pas mesuré ne peut être géré correctement. Les outils digitaux existent pour connaître ce qui est réellement consommé et ce qui est perdu à certains endroits. Il faut à présent avoir beaucoup plus recours à ces innovations technologiques. »

Naïm Cordemans : « Ces innovations seront peut-être suffisantes pour atteindre l’objectif européen de moins 55 % des émissions carbone d’ici à 2030 mais pas pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Afin de mener à bien la transition écologique, il faut donc aussi pouvoir tabler sur d’autres types d’innovations dans les domaines de la finance, des institutions, de la coopération internationale, de la sécurité sociale, etc. Une série d’habitudes doivent également évoluer en termes de mobilité, d’alimentation, d’habillement, de logement, etc. Via la réglementation, la fiscalité et l’investissement, le secteur public a un rôle clé à remplir ici afin d’orienter les décisions des entreprises et des ménages. »

Wim Vancauwenberghe : « Il est important de souligner à quel point transition écologique et transition digitale sont intimement liées. On le voit entre autres avec l’importance que prend l’économie circulaire et avec l’augmentation de la durée de vie des matériaux lorsqu’on optimise leur maintenance. Comme vous parlez de fiscalité, il serait intéressant de créer des incitants fiscaux pour la maintenance et la modernisation des installations existantes, comme cela se fait déjà pour les investissements. »

Un autre défi est de faire face à la pénurie de main-d’œuvre…

Antoine Labuche : « La transformation digitale apporte de nouveaux outils mais oblige les entreprises à se réinventer, à revoir leur produits, leurs processus de fabrication et d’organisation… et à disposer de nouvelles compétences, voire à créer de nouveaux métiers. C’est déjà le cas aujourd’hui avec les métiers de Chief Digital Officer, de Chief Data Officer ou encore de technicien en maintenance préventive ou prédictive. Cela amène bien entendu à de nombreux besoins de formation mais aussi d’accompagnement au changement au sein de nos entreprises. »

Les entreprises ont également un rôle important à jouer pour répondre au décalage entre leurs besoins et les disponibilités sur le marché de l’emploi.

Philippe Bastien

Philippe Bastien : « Le défi de la formation dans les métiers scientifiques, technologiques et techniques est en effet fondamental. Un certain nombre de business lancés pas nos entreprises rencontrent des difficultés à progresser en raison de la pénurie de main-d’œuvre. Même si le soutien public est nécessaire, ce défi ne relève cependant pas seulement de la responsabilité de l’État et des Régions. Les entreprises ont également un rôle important à jouer pour répondre au décalage entre leurs besoins et les disponibilités sur le marché de l’emploi. Au sein de notre société de vitrage par exemple, nous avons développé un programme de formation en collaboration avec HEC. Il vise à amener plus de 360 de nos collaborateurs à un niveau de compétences suffisant pour faire face à l’évolution de la digitalisation dans notre secteur. »

Wim Vancauwenberghe : « L’activité industrielle est cruciale pour notre économie et notre bien-être. Mais si l’on veut maintenir une industrie rentable et une économie viable, il nous faut du personnel correctement formé dans les techniques et les technologies modernes. Si l’on considère l’ensemble des métiers techniques, on se rend compte que c’est là que se trouve la plus grosse pénurie de main-d’œuvre, aussi bien en Wallonie qu’en Flandre. À titre d’exemple, dans les années à venir, l’arrivée massive de voitures électriques nécessitera quelque 10.000 installateurs de bornes électriques rien qu’en Flandre. Je ne sais pas où on va les trouver. Si l’on n’agit pas de manière urgente, les investisseurs se dirigeront à l’avenir vers des pays où il y a une bonne disponibilité de talents techniques et technologiques. Chaque partenaire doit prendre ses responsabilités : le secteur public et le secteur privé. » 

Naïm Cordemans : « Il est aussi important de souligner que la pénurie de main-d’œuvre n’est pas uniquement due à des gens mal formés ou formés dans des domaines autres que techniques et technologiques. Elle est également liée au taux de chômage particulièrement faible en ce moment et donc à un manque de main-d’œuvre généralisé sur le marché de l’emploi. Cela étant, même si le fédéral n’est pas compétent en matière de formation, il a cependant réformé le compte formation l’été dernier. Ce dernier reconnaît notamment un droit individuel à la formation pour chaque travailleur et offre des avantages fiscaux pour les entreprises qui accordent à leurs salariés un nombre d’heures de formation supérieur à celui prévu par la réglementation. » 

David Orgaz D’hollander : « Ce que l’on observe en Belgique est également vrai ailleurs. Actuellement, environ deux tiers de la population mondiale est en retard par rapport aux compétences critiques nécessaires pour notre société. Le problème vient principalement du fait que la technologie avance plus vite que la capacité des humains à s’adapter à cette technologie. Celle-ci exige désormais de la formation continue tout au long de notre vie. Cela représente évidemment un investissement énorme tant pour les personnes que pour les entreprises. Un autre problème lié à la pénurie de main-d’œuvre est son manque de diversité. Nombre d’entreprises qui engagent reçoivent beaucoup de candidatures mais ont des difficultés par exemple à recruter des femmes. Aujourd’hui, le pourcentage des filles présentes dans les branches STEM des universités et des entreprises est encore loin d’atteindre la parité. »

Wim Vancauwenberghe : « Un message essentiel à faire passer est que les métiers techniques ont fortement évolué. Souvent, les parents en ont encore une vision relativement archaïque, alors que grâce aux évolutions du digital et autres, ce sont devenus des jobs réellement passionnants. »


Fibre optique et 5G : les dossiers vont de l’avant !

La fibre optique et la 5G sont d’une importance fondamentale pour le développement de nos industries. Il s’agit toutefois là de deux dossiers bien distincts qui avancent à des rythmes différents. Thomas Dermine, Secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques, chargé de la Politique scientifique.

Thomas Dermine, Secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques, chargé de la Politique scientifique.

Le dossier de la fibre avance actuellement à un rythme très soutenu tant au niveau fédéral que régional. Des projets considérables sont sur les rails et connaissent un coup d’accélérateur grâce aux aides européennes que nous avons reçues afin d’assurer précisément un développement plus large et plus rapide de la fibre. Notre objectif est à présent de connecter à la fibre toutes les familles et toutes les entreprises du pays endéans les cinq ans. Plusieurs milliards d’euros seront investis à cette fin dans les quelques années à venir.

Le dossier de la 5G est plus compliqué à gérer du fait des processus réglementaires différents, du fédéral d’un côté, des Régions de l’autre. Au niveau fédéral, le Plan de relance et les fonds européens ont permis de fixer un calendrier et des engagements très clairs. Au niveau régional, subsiste la fameuse question des normes d’émissions, qui relève de leur compétence. Même si, à ce niveau, les choses progressent également, l’application du principe de précaution continue de prédominer. 

Indépendamment de ce volet purement réglementaire, le Plan de relance prévoit des projets d’investissement ainsi que des réformes de la réglementation. De plus, nous finançons en ce moment le développement de démonstrateurs en plusieurs endroits du pays ; des opérateurs industriels, des start-ups, etc., expérimentent la 5G et son impact, par exemple pour le développement de nouveaux produits.

Enfin, nous finançons aussi déjà d’autres projets basés sur les technologies qui suivront : la 6G et la 7G. La volonté est de positionner à terme la Belgique à l’avant-plan de la scène européenne en matière technologique.

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