Le gamer est souvent un fondu de technologie et donc, un talent précieux pour enrichir une société. Au-delà de ça, les techniques de l’industrie du jeu sont aujourd’hui transposables au monde de l’entreprise. Etienne Goffin, Fay Nakach et Laurent Nogaret, Managing Partners & Co-Founders de Cronos Wallonia, nous en détaillent les opportunités.
Quels sont les apports du gaming au monde de l’entreprise ?
Etienne Goffin : « Les origines du mouvement gaming remontent aux années 80, avec l’avènement des micro-ordinateurs, qui a créé le cadre propice à l’émergence de communautés de joueurs. Les stratégies de jeu développées dès lors se basent sur des valeurs et des compétences qui sont en réalité facilement transposables dans les entreprises. L’esprit de compétition, l’émulation, la collaboration, l’envie et le leadership en sont quelques exemples. Le gaming constitue également une solide porte d’entrée à la digitalisation des entreprises. Il est en effet synonyme de technologies novatrices comme le cloud ou le digital marketing, vrais piliers de nos sociétés modernes. Très avant-gardiste, le monde du jeu est un environnement précurseur où sont testées des pratiques et technologies comme le metaverse et les NFT, qui se répandent ensuite dans les sociétés. »
On compte en Belgique près de 5,8 millions de personnes qui jouent à des jeux vidéo… soit un Belge sur deux !
Fay Nakach : « Les gamers constituent en effet un véritable vivier de talents. Le jeu vidéo est aujourd’hui la plus grosse industrie du divertissement, avec un chiffre d’affaires plus élevé que les industries de la musique et du cinéma combinées. Sur le plan professionnel, elle regroupe plus de 250 métiers qui, directement ou indirectement, ont des applications bien au-delà de son secteur. Les soft skills que l’on développe dans le gaming, en tant que joueur ou en tant que professionnel, sont essentiels pour les entreprises qui se veulent innovantes. »
Comment attirer les gamers ?
F. N. : « Tout d’abord, précisons que le gaming ne se résume pas à l’ado de 16 ans qui joue chez lui. On compte en Belgique près de 5,8 millions de personnes qui jouent à des jeux vidéo… soit un Belge sur deux ! Et ceci ne fait que s’amplifier avec l’essor des jeux sur mobiles. Il s’agit d’un phénomène qui touche toutes les catégories d’âges, tous les métiers et toutes les couches sociales. Fédérateur, il crée un sentiment d’appartenance à une communauté et renforce le lien entre les générations, bien plus qu’il ne crée une fracture. »
Les stratégies de jeu développées se basent sur des valeurs et des compétences facilement transposables dans les entreprises : esprit de compétition la collaboration, leadership, etc.
Laurent Nogaret. : « La clef ici est de comprendre la personne et les aspirations qui se cachent derrière chaque joueur. En réalité, tout le monde aime jouer. Il nous suffit juste de trouver le jeu qui nous passionne vraiment. C’est pourquoi diverses initiatives novatrices se développent dans le domaine du recrutement. En juillet, nous serons par exemple présents à Liège, au sein d’une zone dédiée aux jeux vidéo, lors du festival ‘Les Ardentes’ avec 160.000 festivaliers prévus. À cette occasion, nous lancerons aussi une campagne estivale d’événements physiques et digitaux, rassemblant les gamers et les spécialistes de l’IT. »
Pouvez-vous citer des exemples d’application du gaming à l’entreprise ?
E. G. : « Prenons celui d’une entreprise qui attend la livraison d’une nouvelle chaîne de production. Il faut former les opérateurs à l’utilisation des nouvelles machines. Grâce à un ‘digital twin’ – un jumeau numérique – de ces machines, nous pouvons commencer à former les opérateurs avant même d’avoir reçu les équipements physiquement. Cette approche industrielle 4.0 représente un gain en temps et en efficacité certain. »
L. N. : « C’est aussi un gain en termes de sécurité. S’il s’agit de machines potentiellement dangereuses à manipuler, l’environnement virtuel permet de sécuriser le facteur humain, à l’instar d’un simulateur de vol pour les pilotes d’avion. »
E. G. : « Nombre d’entreprises ne réalisent pas encore l’opportunité que représente la gamification. Elles ont souvent des demandes beaucoup plus pragmatiques : l’optimisation d’un processus de production, la fidélisation de leur personnel ou l’internationalisation de leurs activités. Aujourd’hui, la gamification permet d’atteindre ces mêmes objectifs, tout en offrant une expérience utilisateur ludique et efficace. Les notions de pragmatisme et de plaisir sont à mettre en lien avec le savoir-faire des gamers. »
Au-delà du gaming, quelles solutions innovantes peuvent aider les entreprises ?
F. N. : « La digitalisation, au sens large, peut contribuer à l’amélioration du cadre de travail et à la motivation des collaborateurs. C’est par exemple le cas avec la startup Ekowz qui applique les outils de l’IoT – l’internet des objets – au bien-être au travail et à la protection de l’environnement. La gamification de ces enjeux facilite la collecte de données pertinentes afin de mieux comprendre l’impact environnemental des entreprises, pour ensuite le minimiser. »
E. G. : « En l’occurrence, avec des poubelles intelligentes qui, sur la base des données récoltées, permettent à terme de responsabiliser les collaborateurs en les incitant, par exemple, à consommer moins de plastique. Plus globalement, pour les managers, la digitalisation permet d’établir une corrélation entre les paramètres de l’environnement, le bien-être au bureau et la productivité. »
L. N. : « On peut récolter toute une série de données dans les bureaux, comme la luminosité ou la température. Grâce à la convivialité du gaming et au feedback des collaborateurs, on adapte ces paramètres pour évoluer vers l’environnement de travail idéal, ce qui améliore le bien-être et renforce la motivation. »