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Quelle politique de mobilité appliquer ? Les entreprises sont dans le flou !

La crise sanitaire a éveillé les consciences sur nos modes de déplacement, entre autres au sein de nos entreprises. Les solutions de multimodalité et d’intermodalité existent. Toutefois, comme le souligne, Colette Pierrard, Responsable de la Cellule mobilité de l’Union Wallonne des Entreprises, des incertitudes subsistent encore, de même que des améliorations potentielles. Tout n’est pas sombre pour autant.

Texte : Philippe Van Lil

Dans quel état d’esprit sont aujourd’hui les entreprises à l’égard de leur politique de mobilité ?
Colette Pierrard, responsable de la Cellule mobilité de l’UWE.

Colette Pierrard : « Pour beaucoup, elles sont dans l’incertitude, ne sachant pas trop comment faire. La première raison en est la généralisation du télétravail. Comme les collaborateurs ne seront plus tous les jours présents au bureau, se posent de multiples questions relatives aux voitures de société – moins utilisées -, au paiement ou non d’abonnements de train/bus/tram à temps plein. La deuxième raison est l’annonce de l’électrification des flottes de véhicules de société ; d’ici à 2026, toute voiture de société qui ne sera pas zéro émission CO2 ne sera plus défiscalisée. Cela engendre évidemment des coûts, dont l’installation de bornes électriques. Enfin, l’incertitude est encore renforcée par le fait que personne ne sait non plus à l’heure actuelle dans quelle mesure les gens modifieront ou non leurs modes de déplacement. »

Cette période d’incertitude n’est-elle pas l’occasion de revoir les choses en profondeur ?

C. P. : « Tout à fait, c’est maintenant qu’il faut le faire ! Le message des autorités publiques est d’accroître la multimodalité et l’intermodalité quand l’usage de la voiture ou du camion n’est pas le plus adapté. La multimodalité, c’est la multiplicité des possibilités pour aller d’un point A à un point B. L’intermodalité c’est, par exemple, le fait de prendre son vélo jusqu’à la gare, puis le train avant de faire le dernier kilomètre à pied. En théorie, le télétravail devrait par exemple inciter les gens qui ne se rendent sur leur lieu de travail qu’une fois par semaine à opter pour une mobilité plus douce. En pratique, il faudra cependant que les mentalités évoluent encore ! Quand on voit le nombre de voitures sur les routes depuis la rentrée, il y a de quoi être perplexe. »

L’offre de transports publics est-elle pour autant suffisante ?

C. P. : « Non, pas encore, effectivement. Mais on va dans le bon sens ; c’est ce dont témoignent les plans de gestion ou de redéploiement que la SNCB ou l’AOT ont présenté dernièrement à notre Cellule Mobilité. Certaines lignes sont ou vont être repensées pour mieux répondre à la demande, par exemple en modifiant certains tracés pour inclure des écoles, centres sportifs et commerciaux, lieux culturels, hôpitaux, etc. Rien qu’en repensant le réseau existant, on pourrait gagner 25 % de plus en efficacité. Le développement des lignes de bus express va déjà dans ce sens, de même que l’étendue annoncée des plages horaires des trains et leur fréquence. Pour poursuivre ces efforts, la question des budgets est évidemment cruciale. »

Le message des autorités publiques est d’accroître la multimodalité et l’intermodalité quand l’usage de la voiture ou du camion n’est pas le plus adapté.

De même sans doute qu’une meilleure coordination entre acteurs privés et publics…

C. P. : « Tout à fait ! C’est en cours mais ce n’est pas toujours évident. Des initiatives vont toutefois dans ce sens, comme celle de l’instauration de ‘mobipôles’. Il s’agit d’endroits où coexisteraient l’arrivée de transports en commun – trains, bus, etc. – et la mise à disposition de voitures et vélos partagés, de parkings pour vélos, etc. »

Qu’en est-il du développement des outils digitaux facilitant la multimodalité ?

C. P. : « Il existe de bonnes initiatives comme le MaaS mais, pour l’instant, elles ne fonctionnent que là où il y a de l’offre de transports, comme dans les centres urbains. En campagne, le MaaS ne sert pas à grand-chose ! S’y passer de la voiture n’est pas souvent évident. De plus, il faut aussi songer à la fracture numérique : les gens qui n’ont pas l’habitude d’utiliser le digital n’y viendront sans doute pas. En revanche, le MaaS répond à un besoin réel et sera particulièrement utile dans la mise en œuvre, au sein des entreprises, du fameux budget mobilité et des plans cafétéria. »

Le MaaS répond à un besoin réel et sera particulièrement utile dans la mise en œuvre, au sein des entreprises, du fameux budget mobilité et des plans cafétéria.

Pour l’heure, certaines entreprises développent des projets novateurs…

C. P. : « Bien sûr. Par exemple, l’hôpital du MontLégia à Liège, inauguré en mars 2020, a préparé son déménagement en mettant en place toutes les solutions de mobilité possibles, à la fois pour ses patients et son personnel. Avec l’aide des pouvoirs publics, il a prêté notamment à gratuitement plus d’une centaine de vélos électriques à ses collaborateurs. Cela a mis en selle pas mal de gens ! L’hôpital met également des voitures partagées et des trottinettes à leur disposition devant son bâtiment et encourage le covoiturage. C’est une très belle réussite ! Un autre bel exemple est la banque CBC, qui a mis en place une politique favorisant les déplacements durables en s’installant à Namur. Ici, le covoiturage fonctionne très bien ; un leasing vélo a été mis en place et ils réfléchissent à des navettes depuis la gare. »

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